Dans la préfecture de Macenta des violences intercommunautaires, générées par ”la réclamation de la paternité de cette ville” entre Tomas et Manias, ont entraîné une vingtaine de morts, au moins, et des dizaines de blessés.
Le 29 décembre 2020, le Ministère de la Justice a informé l’opinion de l’ouverture d’une information judiciaire par le Parquet du Tribunal de première instance de Macenta.
QUELQUES REMARQUES
L’ouverture de l’information judiciaire s’inscrit dans le cadre de l’exercice des poursuites pénales devant être enclenchées contre ceux ayant participé (quelque soit leur statut d’auteur, coauteurs, complice, instigateur, …). Il s’agit ainsi d’un indice permettant de relever que l’appareil judiciaire est en marche.
Pour autant :
1. Les interpellations doivent être réalisées sans considérations politiques ou d’appartenance ethnique. Car, si la judiciarisation des aspects criminels du conflit interethnique permet de dissuader les habitants quant à la tentation de récidiver qui procéderait de l’impunité, la donne ne change pas lorsque des poursuites sont faites sur la base de considérations sélectives influencées par des appartenances politiques ou communautaires. Une telle situation cristallise le sentiment d’injustice analogue à celui d’une situation d’inertie de l’appareil judiciaire.
Convient-il de relever sur cet aspect, sans être naïf, que le communiqué du Ministère de la justice indique qu’« Il est entendu que toute personne liée de près ou de loin à ces tristes événements sera interpellée dans le strict respect des lois en vigueur ». Or, sait-on effectivement, qu’en vertu des lois de la République, le statut de membre d’un parti politique et l’appartenance à une communauté ne représentent guère des motifs d’exonération de la responsabilité pénale. Le principe est donc celui de l’indifférence de ces considérations extérieures aux motifs pénaux de la poursuite.
En conséquence, procéder autrement, c’est non seulement agir contrairement à la lettre et à l’esprit des lois de la République, mais c’est également générer un sentiment d’injustice dans l’administration de la justice. Ce rappel ne paraîtra pas étrange pour ceux qui, dans cette région, ont eu l’occasion d’observer la gestion d’une affaire similaire à N’Zérékoré.
2. Si l’ouverture de l’information judiciaire rend compte de ce que l’appareil judiciaire entend donner une suite pénale aux crimes commis, une telle information ne garantit ni la poursuite effective de l’enquête, encore moins, l’organisation d’un procès dont il a déjà été relevé qu’il assurerait une fonction de dissuasion quant la répétition de ce genre de crimes.
En tout état de cause, sur la forme, l’ouverture de l’information judiciaire représente un indice formellement rassurant quant au fonctionnement des institutions de la République.
Tel est, le minimum que nous avons souvent requis pour tous les crimes commis sur toute l’étendue du territoire. Car, l’existence d’un système judiciaire qui fonctionne correctement n’empêche pas la commission des infractions de caractère criminel, mais, au moins :
1. Elle témoigne du fonctionnement républicain de l’État, lorsque les garanties constitutionnelles et légales organisant le procès sont observées. On exigerait ainsi pas qu’un agent des forces de maintien d’ordre ayant, dans l’exercice de ses fonctions, tué un manifestant, soit impérativement incarcéré pour purger une peine de réclusion criminelle si celui-ci démontre devant le tribunal compétent, qu’il a agi en situation de légitime défense, à titre d’exemple.
Mais, au moins, la libération éventuelle de l’agent des forces de maintien d’ordre aura été déterminée par des considérations strictement juridiques. Ce dernier serait ainsi condamné lorsqu’il sera établi qu’il avait absolument outrepassé les moyens nécessaires au maintien d’ordre dans une situation d’espèce.
2. Si l’existence d’une justice fonctionnant régulièrement n’empêche pas le phénomène criminel, au moins, elle réduit hypothétiquement la récurrence des crimes, comparativement à un contexte d’impunité généralisée.
En définitive, le fonctionnement régulier des institutions juridictionnelles présente au moins deux intérêts, sur des questions pénales :
1) l’incidence du fonctionnement de l’appareil judiciaire sur la réduction du phénomène criminel, à travers la fonction de dissuasion des peines ;
2) L’incidence de ce bon fonctionnement sur la confiance des populations que gagnent les autorités (politiques/ policières …).
Jean Paul KOTEMBEDOUNO
Attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’école de droit de la Sorbonne (EDS)
Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne
Département de droit comparé.