L’opposant russe Alexeï Navalny a été condamné ce mardi à purger sa peine de trois ans et demi de prison avec sursis prononcée en 2014, moins les mois qu’il avait passés assigné à résidence cette année-là. Soit une peine effective de deux ans et huit mois.
Selon la cour, Alexeï Navalny a violé les conditions du contrôle judiciaire qui accompagnait sa peine, comme cela lui était reproché dans une demande des services pénitentiaires et du parquet. Il avait été condamné à ce sursis en 2014 pour des détournements dans la filiale russe du groupe français Yves Rocher, via une entreprise de transport qu’il détenait avec son frère Oleg. Un verdict dénoncé par la Cour européenne des droits de l’homme.
À la suite du verdict de ce mardi, et compte tenu des mois déjà passés assigné à résidence, l’opposant devra passer « environ » deux ans et huit mois en détention, a indiqué son avocate. Son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption, a appelé à une manifestation immédiate, juste au pied du Kremlin. « Nous nous rassemblons dans le centre de Moscou immédiatement, on vous attend sur la Place du Manège », a indiqué l’organisation sur Twitter.
« Vous ne pourrez pas emprisonner tout le pays »
Dès les premiers échanges dans l’enceinte du tribunal, cela s’annonçait mal pour l’opposant, relate notre correspondant à Moscou, Jean-Didier Revoin. Le parquet a rejeté les pièces attestant des soins reçus par Alexeï Navalny dans la clinique berlinoise de la Charité après une tentative d’empoisonnement. Pour l’accusation, aucune d’entre elles n’indiquait où se trouvait l’opposant entre sa sortie de la clinique le 29 septembre dernier et son retour en Russie le 17 janvier.
Les services pénitentiaires russes reprochaient à l’opposant de ne pas avoir contacté ses officiers de probation, dont les coordonnées figurent sur le site des services pénitentiaires, alors qu’il donnait des interviews à la presse.
Des arguments mis à mal par l’avocat de Navalny, qui a dit avoir transmis aux autorités un message de l’opposant expliquant sa situation. Et Navalny d’ironiser : « Que vous aurait-il fallu de plus ? Un enregistrement vidéo ? Même Vladimir Poutine a dit à la télévision que j’étais en Allemagne pour un traitement. » Une déclaration qui illustre le caractère kafkaïen de cette affaire.
L’opposant de 44 ans s’est lui-même battu avec panache. « Le plus important dans ce procès est de faire peur à une quantité énorme de gens. On en emprisonne un pour faire peur à des millions », a-t-il clamé, dénonçant par ailleurs les milliers d’arrestations lors de manifestations de soutien ces deux derniers week-ends. « Vous ne pourrez pas emprisonner tout le pays ! », a-t-il martelé depuis la cage en verre réservée aux prévenus.
Alexeï Navalny s’en est également pris au chef du Kremlin, estimant que celui qu’on qualifie souvent de grand stratège entrera dans l’histoire comme un « empoisonneur de slips », allusion à l’endroit où la substance qui l’a empoisonné en août aurait été déposée.
Arrestations autour du tribunal
Dehors, les partisans de l’opposant russe avaient répondu à l’appel. Et des arrestations ont eu lieu – une centaine selon l’ONG spécialisée OVD-Info –, dont certaines par la police montée dans le parc situé en face du tribunal.
Avant même le début de l’audience, les policiers avaient commencé à procéder à des interpellations. Face à ce comportement, la foule s’était progressivement dispersée, ou du moins avait quitté les rues qui longeaient le tribunal.
Plus lourde condamnation pour l’opposant
La peine de prison prononcée ce mardi est la plus longue infligée à celui qui s’est imposé en dix ans comme le principal détracteur de Vladimir Poutine. Ses précédentes détentions se comptaient en jour ou en semaines.
Alexeï Navalny a été arrêté le 17 janvier puis incarcéré au moins jusqu’au 15 février à son retour d’Allemagne où il avait été soigné cinq mois durant des conséquences d’un empoisonnement dont il accuse le Kremlin. Il appelé depuis à des manifestations qui, malgré leur interdiction, ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes en Russie les 23 et 31 janvier. Des milliers de manifestants ont été arrêtés à chaque fois.
SOURCE : RFI