Il le dit lui-même, il est le disciple en chair et en os de feu Martin Luther King. Le révérend Raphael Warnock, candidat démocrate en Géorgie pour le Sénat, est aussi charismatique que le célèbre militant des droits civiques. Aujourd’hui, il détient l’une des deux clés de la reprise du Sénat par le Parti démocrate. Avec 48 sénateurs élus, les démocrates sont en effet à deux sièges de faire jeu égal avec les républicains. Ce qui permettrait, comme le prévoit la Constitution, à la vice-présidente élue, Kamala Harris, présidente de droit du Sénat, de faire basculer la majorité en faveur du camp de Joe Biden. Et d’éviter ainsi un blocage des réformes annoncées.
Selon plusieurs instituts de sondage, Warnock, 51 ans, devance pour l’instant son adversaire républicaine, Kelly Loeffler, soutenue par Donald Trump. Et l’argent coule à flots dans cette Géorgie, un bastion républicain qui n’avait pas voté pour un président démocrate depuis vingt-huit ans. Les deux partis ont déjà dépensé plus de 280 millions de dollars en spots télé en à peine quatre semaines.
À lui tout seul, le révérend a dépensé plus de 45 millions de dollars. Il a aussi reçu l’appui des troupes de Bernie Sanders, qui a envoyé ses militants motiver les citoyens à aller voter. “C’est la gauche démocrate qui se déplace en Géorgie, explique Tristan Cabello, spécialiste de la gauche américaine à l’université Johns-Hopkins de Washington, c’est elle qui fait le job même si Warnock est incontestablement très populaire à Atlanta.”
Fédérer Black Lives Matter
Le pasteur noir n’est pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche, loin de là. Il l’a rappelé dans un spot télé où on le voit déambuler dans les cités pauvres de Savannah. C’est ici qu’il a grandi, aux côtés de ses onze frères et sœurs. Il dit avoir trouvé le chemin de Dieu très tôt. Il étudie la théologie, s’installe à Harlem où il affronte – déjà – un certain Rudy Giuliani, le futur avocat de Donald Trump.
En 2005, il rentre à Atlanta, où il rejoint le temple baptiste Ebenezer, l’église où Martin Luther King fut baptisé et dont il fut le pasteur jusqu’à sa mort en 1968. Comme lui, Warnock a fait un peu de prison, à deux reprises, pour avoir manifesté en faveur de l’Obamacare et contre les coupes budgétaires dans les services sociaux. “S’il représente incontestablement la bourgeoisie noire éduquée progressiste d’Atlanta, poursuit Tristan Cabello, il a su fédérer le mouvement Black Lives Matter.” Notamment lors de son sermon électrique après la mort tragique de Rayshard Brooks, un jeune Noir d’Atlanta abattu en juin par un policier blanc.
Le “gauchisme” de Warnock pouvant effrayer les démocrates modérés, les républicains se sont engouffrés dans cette brèche en redoublant leurs attaques à son encontre depuis plusieurs jours. Son adversaire, Kelly Loeffler, le traite de “dangereux radical” et de “socialiste”, et rappelle que Castro avait visité Harlem lorsque le jeune Warnock y vivait. Le glissement démographique de la Géorgie ces dernières années pourrait jouer en faveur du candidat démocrate, beaucoup de jeunes, blancs et noirs, urbains et éduqués, ayant choisi de s’installer dans cet État. “Il pourrait attirer les gens qui ont voté en 2016 pour Donald Trump en se pinçant le nez, signale Daniel Bennett, politologue à l’université chrétienne John-Brown, dans l’Arkansas. Mais la religion joue encore un rôle, et des démocrates conservateurs hostiles à la plateforme progressiste de leur parti peuvent encore préférer le camp.
SOURCE : LEJDD