Mercredi 20 janvier, Joe Biden était investi 46ème président des États-Unis. Mais lors de la cérémonie, les regards du monde entier ont été happés par quelqu’un d’autre, une jeune femme noire américaine, vêtue de jaune et rouge, venue incarner un poème empli d’espoir pour une Amérique déchirée. Cette femme, c’est Amanda Gorman. Elle a 22 ans. Et en interprétant son texte The Hill we climb (La colline que nous gravissons), elle fait alors plus de bruit que deux reines de la scène américaine, elles aussi invitées : Lady Gaga et Jennifer Lopez.
Fidèle à ses sujets de prédilection engagés, que sont le racisme, l’IVG, les violences policières, les inégalités ou encore les questions migratoires, Amanda Gorman évoque les maux de son pays. De l’esclavage jusqu’à la présidence de Donald Trump, sans éviter le plus évident, la crise sanitaire sans précédent du Covid-19.
Blessures de la nation
Sans concessions, elle dresse le portrait d’une nation souffrante, au pied d’une montagne de défis. Elle se tient alors devant le Capitole, violemment attaqué quelques jours plus tôt par les manifestants pro-Trump, au lendemain d’une présidence marquée par les violences policières et le mouvement Black Lives Matter.
« Nous avons vu surgir une force prête à briser notre nation, refusant de la partager. Qui aurait conduit notre pays en essayant d’entraver la démocratie. Et cet effort a presque réussi. Mais si la démocratie est parfois freinée, jamais elle ne pourra être anéantie. »
Amanda Gorman récite ces mots, et ses mains suivent son récit dans un mouvement enivrant, qui donne l’impression qu’elle dirige un orchestre. Loin des discours politiques trop figés ou trop grandiloquents, Amanda Gorman affiche une posture naturelle captivante.
Sa présence est militante et nécessaire, marquée par l’espoir de reconnecter le politique au culturel et à l’humain aux États-Unis. Elle parle de guérir les blessures de sa nation, et cela n’est pas sans rappeler une phrase de John F. Kennedy. En janvier 1961, le président avait donné naissance à cette tradition poétique lors de sa propre investiture, affirmant que « quand le pouvoir corrompt, la poésie purifie ».
Premières fois
Les rimes, Amanda Gorman les découvrent en CE2. À cet âge où l’on récite des fables devant la classe, où l’on découvre les interrogations surprises et ce « par cœur » qui ne laisse pas que de bons souvenirs aux écoliers, Amanda Gorman tombe amoureuse du langage versifié, bercée par le rythme de Ray Bradbury. Brillante, elle rejoint les bancs de Harvard où elle étudie la sociologie, sans perdre de vue son goût pour la poésie. À 16 ans, elle décroche le titre de « poétesse lauréate junior de la ville de Los Angeles », puis à 19 ans, elle remporte la même récompense à l’échelle nationale.
C’est Jill Biden, la nouvelle première dame des États-Unis, qui la découvre lors d’une lecture publique, et qui plaidera pour qu’elle soit « Inaugural poet » (la poète de l’investiture). Elle sera ainsi choisie par une femme pour inaugurer la présidence d’un homme, mais aussi la vice-présidence d’une autre femme. Kamala Harris et Amanda Gorman partagent ce jour-là une « première fois »… et bien d’autres choses. Quand l’une est la première de son genre à être élue à ce poste prestigieux, au sommet de l’État américain, l’autre est la plus jeune personnalité jamais appelée pour déclamer un poème lors de cette importante cérémonie. L’une est issue de l’immigration, l’autre de l’esclavage. Ces deux femmes ont été élevées par des mères célibataires et grimpent cette colline symbolique, celle du progrès, de l’égalité.
« Une maigre femme noire (…) qui peut rêver de devenir présidente », voici comment se décrit Amanda Gorman dans The Hill we climb. Son objectif est déjà formulé : se présenter à la magistrature suprême en 2036.
SOURCE : JEUNE AFRIQUE