“Le malheur d’autrui ne guérit pas une peine”, disait l’autre. J’ai l’impression que les mots, compatriote, fraternité et solidarité n’existent pas encore chez nous en Guinée, et s’ils existent, c’est pour peut-être se trémousser la langue avec.
Il a fallu une journée seulement de pénurie de carburant dans les stations-services du pays que les dignes Guinéens se montrent de quel bois ils s’échauffent, face à leurs propres frères, dans une situation délicate. Or, l’on passe toute la journée à grommeler des phrases galantes, comme quoi, “la Guinée est une famille”
De mardi 21 juin au jeudi 23 juin 2022, 72 h de pénurie de cette denrée cruciale, l’on a pensé que la Guinée vit une guerre civile qui ne dit pas son nom, depuis près d’une année.
Un litre de carburant qui était négocié à 12 000 GNF dans les stations-services et 13 000GNF dans les marchés noirs, est passé de 20 000 à 25 000 GNF sur toute l’étendue du territoire national. Et pour s’en procurer, il faut être de dur à cuire dans une marré humaine. Cette crise, qui arrive à un moment où le panier de la ménagère n’est pas soulagé, renforce le degré de pauvreté chez certains. Comme pour dire que nous attendons une petite occasion, pour se bouffer les nez.
Personne n’a pitié de son prochain dans ce pays, chacun sollicite le malheur de son prochain pour bâtir son avenir, alors comment voulez vous que ce pays avance ?
Cette opération d’augmentation fantaisiste et irréfléchie du prix du carburant dans les marchés noirs, s’effectue en parfaite harmonie avec la complicité des agents des stations-services, sadiques de cœur qui n’ont autre n’ambitionne que de remplir leurs poches.
Après la première journée de crise, certains citoyens, précipités par les rigueurs de leurs services ont été obligés de laisser leurs véhicules, pour se débrouiller dans les taxis. D’autres d’ailleurs l’ont abandonné en cours de route. Les usagers quant à eux, se bousculent dans les carrefours pour embarquer un taxi. Pendant ce temps, les litres de carburants sont conservés dans les réservoirs pour des raisons d’intérêts.
L’ on a la langue bien affilée de dire que le retard de la Guinée, est la responsabilité de nos dirigeants, pendant ce temps, personne ne se demande qu’est ce que je dois apporter à mon pays ? Tout le monde se plonge dans une turpitude d’incivisme et de méchanceté sans fin, pensant qu’ils retrouvent le chemin de la bienveillance.
Quand l’Etat a majoré les prix des produits pétroliers, malgré la décision d’interdiction des manifestations, les gens se sont éparpillés sur les rues dans certains endroits de la Capitale, comme pour dire que nous sommes contre la souffrance de ce bas peuple qui n’a cessé de se lamanter depuis belle lurette. Cette manifestation a même enregistré un cas de mort, alors qu’en réalité, ce sont cette population elle-même qui se persécute nuit et jour, autour d’un intérêt vulgaire.
Comment expliquer vous ce paradoxe, la Guinée possède plus de 55 % de terre cultivable, et une pomme de terre coûte aujourd’hui les yeux de la tête dans les marchés de Conakry. Allons nous continuer à endosser la responsabilité de l’Etat dans tout ça ?
“Nous parlons trop de la chance : il y a des bonheurs et des malheurs qui n’arrivent qu’à ceux qui les méritent”, le disait Gustave Vapereau dans son ouvrage “l’homme et la vie”. Nous sommes victimes de beaucoup de vicissitudes, grâce à la volonté malsaine de nous-même. Mais qu’une chose reste claire, personne ne viendra développer ce pays à notre place.
En attendant la fin de cette crise, beaucoup risqueront de ramper sur leurs ventres pour joindre les deux bouts. Parce que nous avons décidé de vivre ainsi.
Que Dieu sauve ce pays et redresse les Guinéens.
Alseny Dine CAMARA, journaliste rédacteur et éditorialiste