Pourtant, la bergerie entre la junte et la presse s’était rapidement construite.
Entre les deux, l’une avait vraiment foi en l’autre. L’espérance d’un avenir commun radieux était réciproque. Au point que parmi les institutions dissoutes par le coup d’Etat puis ressuscitées, la haute autorité de la communication fut la deuxième.
L’on se souvient encore comme si c’était à l’instant, de la mise à disposition en fanfare par la junte, d’une maison alors en pleine rénovation de la famille de la presse guinéenne. Devenue aujourd’hui, « la maison de la presse »
Utilisant également son pouvoir discrétionnaire, le chef de la junte a comme pour subjuguer une prétendante capricieuse, mis en place un fonds d’appui au développement des médias(FADEM). C’est un fonds accordé aux médias pour assurer leur financement, leur développement et leur promotion. Poursuivant sa stratégie de conquête, il a augmenté substantiellement la subvention annuelle accordée à la presse.
Ces actes aboutis illustrent on ne peut clair, la symphonie relationnelle qui prédestinait les deux tourtereaux aux lendemains meilleurs. Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer pour qu’on en arrive à une journée black-out ? La junte était-elle dans une opération de charme qui aurait débouché sur un mariage précoce ?
Pour répondre à ces questions, il y’a intérêt à remonter l’histoire récente de la presse guinéenne. Avant de chuter sur quelques raisons de cette crise factuelle dont on aurait pu s’en passer.
Pour rappel, le combat en faveur d’une presse libre et indépendante en Guinée fut un chemin de croix. Tant les intimidations, les brimades, les descentes musclées dans les rédactions, les arrestations arbitraires, les emprisonnements extrajudiciaires ont été ses principales caractéristiques.
Ce passé douloureux explique et élucidera toujours en partie, toute crise qui opposera la presse à l’Etat. Car, les légataires des avancées chèrement acquises de ce combat, ne seront jamais en situation de donner en offrande ces sacrifices consentis par leurs devanciers. Ils en sont égoïstement aliénés, surtout qu’ils ont plusieurs décennies d’exercice libre et indépendant.
Alors, si les faits présents sont parfois la victime du passé, la crise actuelle qui oppose le pouvoir de Conakry à la presse ne pourrait faire abstraction. Les propos va-t-en-guerre du porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo, qui aurait pu emprunter un langage édulcoré en rappelant la rigueur de la loi, sont perçus comme comminatoires.
Et comme il fallait s’y attendre, ses propos menaçants interviennent aussi, à un moment où l’accès aux sites d’informations, réseaux sociaux est restreint et, les journalistes de la maison mère, la radio télévision guinéenne (RTG) sont vent debout contre leur ministre.
Pire, les images de certains journalistes brutalisés pendant leur manifestation dans l’enceinte de leur propre département, ne pouvaient laisser aucun confrère insensible. L’esprit de corps oblige ! A ce cocktail combustible, s’est greffé la soustraction des équipements d’un groupe de médias, sans raison officielle avancée, par des agents dit-on, de l’autorité de régulation des postes et télécommunication.
Ce black-out historique, est une réponse du berger à la bergère. Mais est-ce que la solution idoine dans un contexte où, les Guinéens ont à jamais besoin de la presse, pour une issue heureuse de la transition ?
A cette étape de la crise, Il convient de rappeler que la presse en général ne saurait être un adversaire d’un pouvoir. D’autant plus que sa mission est indispensable à l’exercice du pouvoir. Car, le cimetière d’une démocratie se trouve dans le musèlement de la presse et, son cercueil sont les menaces bellicistes.
Sans presse libre et indépendante, il ne saurait y avoir de gestion démocratique.
Sans presse libre et indépendante, il ne saurait y avoir d’Etat démocratique.
Sans presse libre et indépendante, il ne saurait y avoir de pays développé grâce à son ouverture sur le monde.
Sans presse libre et indépendante, il ne saurait y avoir de dirigeant démocrate.
Bella Kamano (RNPG)