Considéré comme l’un des foyers de tensions du pays, la ville de N’Zérékoré est souvent confrontée à des conflits notamment à caractère communautaire. Pour savoir les raisons de ces conflits, notre Desk basé dans la région est allé à la rencontre d’une personne ressource pour en parler.
Lolaplus.org : Bonjour monsieur! Veuillez-vous présenter à nos lecteurs.
Je suis Kaka Sékou Camara, chargé de renforcement des capacités au niveau du conseil régional des organisations de la société civile de N’Zérékoré.
Lolaplus.org : la ville de N’Zérékoré est souvent confrontée à des affrontements, pouvez-vous nous citer les types de conflits les plus récurrents ?
Kaka Sékou Camara : merci de m’avoir donné l’opportunité pour s’exprimer sur les conflits à N’Zérékoré. En ce que je sache, dans la préfecture de N’Zérékoré les principaux conflits enregistrés sont les conflits domaniaux, les conflits interethniques et les conflits de gouvernance.
Lolaplus.org : vous venez d’énumérer les types de conflits qui sont souvent signalés dans la préfecture de N’Zérékoré, alors dites-nous comment ces conflits se manifestent ?
Kaka Sékou Camara : je vais commencer par les conflits domaniaux qui se manifestent le plus souvent sous plusieurs formes mais les formes les plus récurrentes sont: les doubles ventes des parcelles, la situation non documentée de ces parcelles. Ensuite il y a le cas des domaines cultivables. A ce niveau il y a le non-respect des mécanismes traditionnels de limitation des domaines entre les différents villages ou entre les différents clans. Car, en Guinée forestière l’héritage par rapport à la gestion de la terre est de type lignage. C’est-à-dire X père de famille qui cède à sa progéniture un domaine qu’il a occupé longtemps. Il peut arriver que les héritiers ne s’entendent pas autour du partage et cela peut créer des problèmes entre les communautés. Autre aspect c’est la poussée démographique galopante.
Pour ce qui est du conflit interethnique, il se passe de commentaire en Guinée forestière puisque dans la préfecture de N’Zérékoré on en a enregistré une dizaine depuis les années 90 jusque maintenant. Simple raison, les mécanismes traditionnels de cohabitation pacifique qui étaient utilisés ne sont plus utilisés et ont perdu leur valeur. Deuxième élément, il y a les politiques de l’Etat. L’annonce de la démocratisation dans notre pays à amener les leaders ou les responsables d’alors à prôner des messages qui jusqu’ici les guinéens en souffrent. Je veux faire allusion au discours programme du 22 décembre 1985 du chef de l’Etat d’alors feu général Lansana Conté. Ce discours a amené les communautés à utiliser leurs terroirs au profit de l’ethnie, du mot autochtone et du mot allogène. Jusqu’en 1990 même s’il y avait un problème il suffisait de donner une noix de kolas pour que le problème soit enterré.
Mais avec le discours programme de 1985 il était question que chaque communauté se retourne chez elle pour aller chercher à devenir responsable. A N’Zérékoré c’est pendant les premières élections locales 1993 que la première crise a éclaté entre Kpèlè et Konianké faisant beaucoup de dégâts. Et depuis lors les crises étaient devenues cycliques soit à chaque fête chrétienne ou musulmane on enregistrait des affrontements cela jusqu’en 2013. Ces conflits sont expliqués de trois manières, soit on accuse l’aspect religieux, l’aspect économique ou l’aspect social. Les non-dits dans les conflits sont les causes réelles des conflits.
Aujourd’hui, sur le plan commercial, les gens considérés comme allogènes se sont enrichis progressivement et ont dominé le marché devant les autochtones et dans leurs propres produits alors en cela sa frustre. Ce sont des raisons qui amènent le plus souvent des gens à s’opposer.
Sur le plan religieux il y a des facteurs sociaux le mariage. Ici à N’Zérékoré la communauté Kpèlè peut facilement donner leurs filles en mariage à la communauté Konianké mais en retour la communauté Konianké ne le fait pas et cela crée des frustrations. Il y a également un autre aspect social, les jeunes Konianké peuvent engrosser une fille Kpèlè et les parents du jeune homme le poussent à ne pas reconnaitre la grossesse. Quand cet enfant va naitre en apprenant cette histoire il pourra se venger contre la communauté de son père. Ce sont là quelques raisons qui créent des conflits à N’Zérékoré.
Lolaplus.org : dans la préfecture de N’Zérékoré citez-nous les zones à haute tension ?
Kaka Sékou Camara : dans la préfecture de N’Zérékoré, les conflits sont d’abord récurrents dans la commune urbaine ensuite dans les sous-préfectures de Koulé et de Gouécké mais à la différence à Gouécké on enregistre les échauffourées mais les gens ne vont pas à l’affrontement.
Lolaplus.org : comment parvenez-vous à gérer les conflits qui éclatent à N’Zérékoré ?
Kaka Sékou Camara : vraiment depuis les évènements douloureux de 2013 entre Konianké et Kpèlè qui ont fait 58 morts et 160 blessés, les 9 communautés vivant à N’Zérékoré sous l’égide des autorités ont scellé des pactes de non-agression. Et depuis lors on a mis en place un cadre de concertation pour la résolution des problèmes. Il y a aussi un comité inter-religieux qui est créé pour gérer les conflits religieux. Donc nous mettons en pratique les mécanismes traditionnels pour résoudre les crises.
Lolaplus.org : Merci Monsieur Camara.
Bembey Woulo Kamadou depuis N’Zérékoré pour LolaPlus.org
Contact : +224666131567