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Friday 22 November 2024

L’urgence pour la Guinée de se donner les moyens de sa politique de préservation de son patrimoine en péril   (TRIBUNE de Dr Thierno Souleymane BARRY)

Mai 2022. Le patrimoine guinéen est sur la carte. Deux événements positifs. 23, 24 et 25 avril 2022, célébration de la 14 eme édition des 72 Heures du livre, incontournable messe littéraire guinéenne courue par des auteurs à travers le monde, sous le thème Sauvegarde du patrimoine et paix sociale. 14 au 21 mai 2022, tenue de la première édition du Salon international de la Culture, du Tourisme et de l’artisanat (SICTA) sous le thème Patrimoine et lutte contre la migration irrégulière. Ce beau tableau contient, cependant, de points d’ombre constitués d’aspects moins reluisants du patrimoine guinéen. Il s’agit notamment de la contrefaçon des nos tissus traditionnels LeppiNgaraForêt sacréKendeli et autres en de tissus d’un goût douteux du genre faré yaaré et autres calamités qui inondent nos marchés. S’y ajoute le patrimoine en péril comme la Case de Myriam Makeba à Dalaba et autres fortins coloniaux. Le patrimoine est l’essence d’un peuple.  Il est temps et grand temps pour la Guinée de se donner les moyens de sa politique en matière de sauvegarde de son riche patrimoine, hélas, en danger. Dans la présente contribution, nous rappellerons le riche potentiel du patrimoine matériel et immatériel de la Guinée, les atteintes à ce potentiel qui le met en péril et les voies et moyens à mettre en œuvre pour sa préservation, au bénéfice de toutes et tous, pour aujourd’hui et pour le futur.

Le riche potentiel du patrimoine matériel et immatériel de la Guinée

La Guinée n’est pas qu’un scandale géologique ; elle est également un scandale culturel, dans le bon sens du terme. Dans les quatre régions naturelles du pays, on retrouve la présence d’un riche potentiel du patrimoine matériel et immatériel. Nous avons notre Sosso Bala, unique et mythique balafon, à Siguiri, la Case à palabres de Dalaba, les tissus teints Forêt sacrée à Nzérékoré, les masques N’demba à Boké, le leppi à Labé et Mali, le Kendeli à Kindia, la Poésie pastorale en Moyenne Guinée, les Chants polyphoniques en Guinée forestière, la Mare de Baro, ses danses traditionnelles et autres traditions à Kouroussa et bien d’autres.

Les atteintes portées au patrimoine guinéen

Le piètre état de nos musées, la pression démographique autour de certains monuments et sites historiques, le délaissement de certaines de nos us et coutumes et autres traditions par les jeunes générations, la contrefaçon des nos produits locaux, la protection insuffisante des œuvres de nos artistes en termes de droits d’auteur et de droits voisins, entre autres, sont autant de danger qui guettent notre patrimoine.

L’esquisse de voies et moyens la préservation du patrimoine guinéen 

La table n’est vide. Des institutions et mécanismes existent. Nos présents propos sont des contributions allant dans le sens de la préservation et du renforcement de l’existant. La lutte contre les contrefaçons des savoir-faire et des produits locaux est un travail de tous les instants. La récente interdiction de la contrefaçon sus indiquée va dans le bon sens. La mise en place du SICTA avec le Burkina Faso comme pays invité d’honneur est un plus. Ce pays peut nous apporter une expertise en termes de salon d’artisanat, expertise ayant fait ses preuves avec le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou, le réputé SIAO. A l’image de la Brigade de l’habitat, une brigade de l’art est salutaire. Une politique nationale cohérente alliant culture, art, artisanat et patrimoine est nécessaire. A cet effet, le Bénin peut bien nous inspirer, un pays qui a réussi à bâtir une politique gigantesque de promotion de son riche patrimoine à travers de grands chantiers alliant tourisme et patrimoine mémoriel. La Guinée se doit de s’engager, à l’instar de nos autres pays, dans la restitution des œuvres spoliés et se trouvant dans les musées occidentaux, comme nous l’avions écrit dans une de nos précédentes tribunes. Il doit en être de même pour l’inscription de certains de nos cultures et traditions dans la liste du patrimoine mondiale de l’Unesco. Le tourisme solidaire peut aussi être une piste à explorer. Enfin, la ratification de la Convention de Florence et du Protocole de Nairobi doit être à l’agenda du département en charge de la culture pour inscrire notre pays sur la route de la circulation des biens culturels avec toutes les protections nécessaires.

Il est plus qu’urgent pour la Guinée de s’engager fermement dans la préservation de son riche patrimoine matériel et immatériel, un patrimoine qui constitue non seulement son essence mais représente aussi un potentiel économique considérable en termes de revenus et d’emploi.

Dr Thierno Souleymane BARRY,

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

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