L’opinion publique guinéenne dans son ensemble a vu tourner en boucle dans la presse et sur les réseaux sociaux vos images en fin de semaine dernière. Selon de nombreux observateurs il s’agit d’images récentes et donc qui suscitent assez de commentaires à tous les niveaux. Ensuite, il a été donné d’apprendre par voie de presse que vous projetez, dans les jours ou semaines à venir, une sortie médiatique pour, apprend-on, faire des déballages autour du putsch du 05 septembre et de la transition en cours dans notre pays. Pour ma part, si je vous adresse la présente note, c’est bien pour vous faire part de mes observations vis-à-vis de cette actualité vous concernant.
Mais tout d’abord je ne trouve pas moins utile de faire un rappel historique à votre sujet. D’abord pour parler de l’intellectuel de renom qui vous avez été. Puis de l’homme politique que vous êtes, tout en ajoutant l’ancien président que vous représentez aujourd’hui avec tout le respect dû à ce rang.
En effet ma génération et celles qui me succèdent retiennent de vous l’image d’un homme au passé glorieux. Vos écrits et vos prises de parole et de position dans l’histoire démocratique de notre pays sont et restent un modèle qui, sans aucune démagogie, forcent l’admiration. Du premier régime à la transition militaire du CNDD en passant par le règne de feu Général Lansana Conté, à aucun moment vous n’avez cédé à la compromission. Ni les intimidations, ni les condamnations, les postes, l’argent, rien de tout ceux-ci ne vous ont fait fléchir dans vos rêves démocratiques.
Votre accession à la magistrature suprême de notre pays a été un ouf de soulagement pour de nombreux compatriotes que nous sommes. Sauf que, comme l’a dit quelqu’un, entre la théorie et la chose, la différence est souvent assez grande. Je vous parle du fond du cœur. La vérité est que de nombreuses contraintes ont fait qu’aujourd’hui votre gouvernance au plan démocratique reste malheureusement questionnable. En revanche, dans le domaine économique et infrastructurel, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de dire haut et fort que le bilan est élogieux.
Il faut donner à César ce qui lui appartient. Certes je ne pourrais pas faire ici le bilan complet de vos réalisations, mais force est de reconnaitre que vous êtes le père de l’émergence énergétique dans notre pays. Les barrages Kaléta, Souapiti, Amarya et les nombreuses centrales thermiques sont mes témoins. Au plan minier l’histoire retient que c’est sous votre règne que notre pays enregistra ce que les spécialistes appelèrent le « boom minier ». Dieu sait combien cela a fouetté la croissance macro-économique de notre pays. Pour me résumer, Excellence Monsieur le Président, je veux tout simplement vous dire que vous n’avez pas à rougir de vos résultats économiques, et ça, le peuple de Guinée le sait et le reconnait.
En tout état de cause, il faut aussi reconnaitre que le monde évolue et les choses aussi. Notre pays ne fait pas non plus exception à cette règle. Une transition, comme vous le savez, s’est déclenchée en Guinée le 05 septembre 2021. Nous rendons grâce à Dieu d’avoir épargné votre vie contrairement à ce qu’on a connu au paravent dans certains pays du continent et même du reste du monde. Les jeunes militaires à la base du coup d’état vous ont traité avec respect et dignité. Ils ont même pris le risque pour des raisons purement humanitaires de vous laisser aller vous soigner à l’étranger étant donné vos soucis de santé et surtout votre âge.
C’est du jamais vu dans un pays ayant connu un putsch. C’est la raison pour laquelle je vous envoie la présente lettre d’abord pour vous dire en toute humilité qu’à ce stade seule la raison et la sagesse doivent guider vos pas. Vous êtes un ancien chef d’Etat qui mérite respect et considération. En retour, vous devez en tant qu’homme d’expérience mettre tout en œuvre pour que la transition en cours réussisse pour le bien de notre patrie. Des rumeurs courent que vous vous apprêtez à un déballage au sujet du coup d’état et de la transition. Ce n’est pas une bonne option, Votre Excellence ! Votre rôle ne doit en aucun cas avoir une connotation déstabilisatrice.
Au contraire nous devons tous aider les jeunes dirigeants à sortir tête haute pour le bien de notre nation. Aucune déclaration, aucune attitude venant de vous ne devrait s’inscrire dans le sens de torpiller ce qui est entrain d’être colmater pour la bonne marche de notre pays. Certes il est de votre droit légitime de poursuivre le combat politique. Mais si mes conseils avaient un sens à vos yeux, je vous dirais qu’il est grand temps pour vous de vous tenir à l’écart de la politique politicienne. Le RPG, votre bébé, a grandit et doit survivre après vous. Mais cela n’est facile que lorsque de votre vivant, vous vous trouvez un héritier digne de ce nom. Le parti regorge de valeureux cadres que vous pouvez bien soutenir et encadrer en toute légitimité. En votre qualité d’ancien président, il est aujourd’hui de votre devoir encore une fois de faire en sorte que le pays soit stable et que cette transition aboutisse à des élections auxquelles votre parti, comme tous les autres, participera avec de nouveaux candidats.
J’ose espérer que le message contenu dans la présente lettre ouverte aura un écho favorable auprès de votre auguste personnalité et ce, dans l’intérêt de la nation guinéenne que vous avez tant servi et que vous pouvez encore aider à maintenir sa stabilité.
Mamadou Louda Baldé
Président du Parti de l’Unité
et du Renouveau (P.U.R)05 septembre