M-La violation du droit à la liberté d’aller et venir. Conformément à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 consacré le principe selon lequel: «I’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi >>.
– La mesure d’interdiction de sortie du territoire national constitue une mesure manifestement attentatoire aux libertés individuelles et, notamment, à la liberté de déplacement et d’établissement qualifiée de « liberté d’aller et venir», ou «liberté de circulation ou d’établissement», laquelle est consacrée par la Constitution de la République de Guinée en son article 9, et la Charte de la Transition en son article 18 qui dispose : «tout citoyen a le droit de circuler librement à l’intérieur du territoire national, d’en sortir, d’y revenir et de s’y établir temporairement ou durablement. Il ne peut être porté atteinte à ses droits que dans les conditions définies par la loi.»
-Le droit à la liberté d’aller et venir est un droit fondamental de l’homme. Ce droit est prévu et protégé par plusieurs instruments juridiques internationaux de protection des droits de l’homme. Ainsi, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966 énonce en son article 12 alinéa 2 que: «toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien». Cette disposition de l’article 12 alinéa 2 du PIDCP a été reprise par la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) de 1981 en son article 12 alinéa 2, lequel dispose également que : « Toute personne a le droit de quitter librement n’importe quel pays, y compris le sien».
-Conformément aux instruments internationaux, les lois communautaires européennes, américaines et africaines précisent, à l’instar de l’alinéa 2 de l’article 12 de la CADHP, que le droit de quitter son pays « ne peut faire I’objet de restrictions que si et seulement si, celles-ci devraient être justifiées par la nécessité de protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui». Par conséquent, lorsque, comme en lespèce, la restriction apportée à lexercice de ce droit n’est pas fondée sur l’application d’une disposition légale ou l’exécution d’une décision de justice, la Cour juge qu’elle est illégale.
-La mesure de l’interdiction de sortie sur simple requisition du parquet spécial est illégale.
– La Cour de ce siège en a ainsi jugé dans l’arrêt ECW/CCJ/JUG/04/13, Abdoulaye BALDE et autres contre État du Sénégal rendu le 2 février 2013, où elle a déclaré (paragraphe 77) que «. l’interdiction de sortie du territoire national décidée à l’encontre des requérants par le Procureur de la République et le Procureur spécial près la CREI est illégale parce que ne reposant sur aucune base légale».
-Au regard de toutes ces considérations, la Cour juge que la mesure d’interdiction de sortie du territoire guinéen prise à l’encontre des requérants, caractérisée par el retrait et la confiscation de leurs passeports sans base légale constitue une violation de leur droit à la liberté d’aller et venir>>.
-L’interdiction de sortie peut-être prises seulement sur la base de l’ordonnance du juge d’instruction conformément à l’article 142 alinéa 3 du code de procédure pénale guinéen. Une réquisitions aux fins de sortie du territoire nationale ne peut pas empêcher un citoyen de sortie. C’est un acte illégal et illégitime. C’est un abus de pouvoir tout simplement par les procureurs.
-Le Procureur Spécial a visé les articles 47 et 55 du code de procédure pénale pour motiver sa requisition aux fins de sortie du territoire nationale. Ce qui est une fausse base juridique.
*Billy KEITA juriste.*