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Thursday 19 September 2024

Les Droits de l’Homme en Guinée : Que prévoit l’Avant-Projet de la Constitution ? (Tribune de Dr Thierno Souleymane BARRY)


29 juillet 2024, tenue de la plénière du Conseil National de la Transition (CNT) sur la
présentation de l’avant-projet de la Constitution de la République de Guinée. Nous saisissons
cette opportunité pour porter notre modeste regard sur cette importante norme destinée à
définir les principes fondamentaux de notre Etat, à reconnaitre et protéger nos droits et à
gouverner nos institutions et régir les interactions entre elles, dans la logique froide d’un
spécialiste des questions des constitutions de transition et de la théorie des droits humains,
recherches entamées dans années 2000 à la Chaire Unesco des droits de la personne et de la
démocratie (Université d’Abomey-Calavi) à Cotonou (Benin) lors de nos études de DEA,
avec le mémoire « Transitions démocratiques et droits de la personne en Afrique de l’ouest
francophone : cas du Benin, de la Guinée, du Mali et du Togo », sous la rigoureuse direction
du Pr Théodore HOLO, publié aux Editions l’Harmattan-Guinée, sous le même titre. Notre
lecture de l’Avant-Projet de la Constitution de la République de Guinée portera sur les aspects
normatifs et institutionnels encadrant les droits fondamentaux des citoyens du pays, avec un
clin d’œil sur l’obligation qu’incombe aux autorités de la transition d’en assurer la garantie
effective dès à présent et tout au long du processus transitoire.
D’emblée, nous voudrions faire deux observations : notre regard porte sur le texte de la
présentation de l’avant-projet de constitution de la Guinée, seul texte disponible en ce
moment, d’une part et d’autre part, en raison de leur importance, notre lecture ne s’intéresse
qu’aux dispositions consacrant les droits fondamentaux tant dans leurs aspects normatifs
qu’institutionnels. D’autres tribunes sur le reste du texte suivront. Néanmoins, l’absence d’un
texte consolidé et complet en respect des canons de la légistique ne fait pas obstacle à notre
acte citoyen de lecture du texte qui est destiné à gouverner nos vies et celles de nos
institutions ; on ne commente que ce l’on a sous les yeux comme le dit un adage populaire.
C’est pour cette raison que nous continuons à penser que la mise à disposition d’un texte
consolidé de l’avant-projet de notre texte fondamental commun, à ce stade d’élaboration
avancé, est de nature à participer à sa vulgarisation avant terme et à donner au citoyen
lambda comme au haut fonctionnaire le sentiment de poser sa brique à l’édification de
notre Case Commune Guinée. Nous pensons être entendu sur ce point par le législateur
de la transition. C’est notre recommandation pour une large et légitime appropriation
de notre future constitution.
Ainsi, dans la présente tribune (elle est inhabituellement longue cette fois-ci ; nos excuses à
nos fidèles lectrices et lecteurs), nous verrons successivement les principes enchâssés dans le
préambule, les droits humains reconnus aux individus, les institutions instaurées pour garantir
leur effectivité et l’importance de ne pas faire l’économie du respect des droits humains
durant cette importante phase transitoire.
Principes de base des droits humains inscrits dans le préambule et sa place dans le bloc
de constitutionnalité
En premier lieu, nous allons nous pencher sur les principes fondateurs sur lesquels s’adossent
la reconnaissance des droits humains et sur la place et l’importance du préambule dans
l’avant-projet du texte constitutionnel du pays. La majeure partie des points du préambule
sont relatifs aux droits humains et à la création d’un environnement favorable à leur
épanouissement.

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Les points 3, 5 et 6 vont dans le sens de l’établissement d’un ordre constitutionnel fondé sur
l’Etat de droit, la démocratie pluraliste et le respect de ce même ordre constitutionnel par
l’opposition du peuple à toutes les formes de gouvernance non démocratique (changements
anticonstitutionnels, dictature, injustice et autres). C’est ainsi que le point 3 est celui par
lequel le peuple de Guinée proclame « son attachement (…) à la primauté et au respect de
l’ordre constitutionnel ». Dans le même ordre d’idée, l’« engagement du peuple à édifier un
Etat de droit et de démocratie pluraliste » constitue le point 5. Pour compléter le tout, le point
6 est relatif au « rejet de toute forme d’accession, de maintien et de transmission
inconstitutionnels du pouvoir ainsi que tout régime fondé sur la dictature, l’injustice, le
régionalisme ; l’ethnocentrisme et le népotisme ». Au vu de l’expérience récente et au regard
de ses incalculables effets néfastes sur le processus démocratique, l’interdiction de toutes les
formes de manœuvre devant conduire à un troisième mandat devrait être explicitement
mentionné dans le texte constitutionnel. Le « third-termism » a été le tombeau de notre
démocratie naissante.
Les points 4, 9 et 10 sont, quant à eux, consacrés à l’affirmation des principes et droits
fondamentaux de l’être humain. Ainsi, le point 4 est réservé à son « adhésion aux instruments
consacrant les libertés et droits fondamentaux de l’être humain ». Le point 9 consacre sa
« détermination à promouvoir la bonne gouvernance et à lutter contre la corruption et les
crimes économiques et financiers ». A travers le point 10, le peuple de Guinée affirme « sa
souveraineté inaliénable sur toutes ressources naturelles et les richesses nationales. ». Les
instruments consacrant les droits humains visés devraient comprendre la Charte des Nations
Unies de 1945, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, les Pactes de 1966
et leurs protocoles additionnels (Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) et la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples et ses protocoles additionnels. Ne pourrait – on faire
œuvre authentique ici en invoquant des textes de même nature issus de l’histoire du pays ?
Pensons à la Charte de Kurukan Fuga de 1236 ; les travaux du Pr Djibril Tamsir NIANE ont
été déterminant pour sa récension. Ses dispositions en font une véritable charte des droits à
l’instar des chartes anglaises comme le Magna Carta. Pour illustration, son article 5 est ainsi
libellé : « Chacun a droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. (…).» Pensons
également aux divers Pactes de Fugumba, Timbo et autres, véritable modèle de démocratie
représentative et d’alternance au pouvoir ; les recherches des Pr Alfa Ibrahima SOW, Pr
Boubacar BARRY et Pr Ismael BARRY sur le sujet sont évocateurs. Il y est proclamé le
serment du chef d’agir dans l’intérêt du peuple et des mécanismes d’alternance au pouvoir
sont posés, notamment. On peut élargir ces textes fondateurs aux pactes de prévention des
conflits et de consolidation de la paix en région forestière à l’image du Pacte de Missadou
(1694) qui illustre parfaitement la quête du vivre en commun ; les études du Pr Aly Gilbert
IFONO et d’autres s’avèreront utiles. Suivant le même élan, on retrouvera sans doute des
pactes semblables en Basse-Guinée en interrogeant les travaux du Dr Marie-Ivonne CURTIS
et d’autres. L’affirmation de la souveraineté du peuple sur ses ressources naturelles et ses
richesses nationales est une excellente avenue pour un pays minier comme la Guinée ;
seulement, il faut l’associer aux principes de bonne gestion et à l’obligation de consultation
des populations. Il serait utile d’invoquer dans le préambule en des termes les plus solennels
la lutte contre les effets des changements climatiques et pour la protection de
l’environnement. La démocratie n’ayant de sens que si elle provient du peuple, on pourrait
également ajouter dans le préambule le principe de gouvernance locale.
Le dernier élément du préambule souligne l’« intégration du préambule dans le bloc de
constitutionnalité ». Effectivement, le préambule fait corps avec le reste du texte

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constitutionnel. Les principes qu’il énonce sont placés au rang de principes à valeur
constitutionnelle et non des simples affirmations solennelles dépourvues de caractère
contraignant et s’interprètent comme telles par le gardien constitutionnel. Faisant partie du
bloc de constitutionnalité et situant au sommet de cette pyramide, tout texte inférieur lui est
subordonné et doit être conforme à ses prescriptions sous peine de nullité absolue. Plusieurs
décisions majeures ont confirmé l’intégration du préambule dans les prescriptions obligatoires
de la constitution et la supériorité de cette dernière sur toutes normes infra-constitutionnelles.
Pour rappel, le bloc de constitutionnalité est composé par ordre décroissant de la constitution,
des traités, de la loi, du règlement et des décisions administratives.
Les droits humains garantis : des points à saluer et des oublis à rétablir
En second lieu, nous allons nous intéresser sur le contenu des droits humains reconnus aux
citoyens dans l’avant-projet de la constitution de la Guinée. C’est la « Première partie. De
l’Etat, des principes fondamentaux de la République » dans son « Titre II. Des libertés, des
droits et des devoirs » de l’avant-projet de constitution qui traite des droits humains. On y
retrouve l’affirmation des principes transversaux, des droits civils et politiques, des droits
économiques, sociaux et culturels, les droits de solidarité et des devoirs et des dispositions de
sauvegarde.
Au niveau des principes transversaux proclamés, figurent en bonne place les principes de
liberté, d’égalité, de dignité et de non-discrimination. Ces principes, en plus d’être eux-mêmes
des droits autonomes, ils sont aussi des principes directeurs associés à toutes les catégories de
droits humains reconnus.
Les droits civils et politiques reconnus dans l’avant-projet de constitution concernent la parité
homme/femme, la sacralité et inviolabilité de l’être humain, l’interdiction de la peine de mort,
de la traite des êtres humains et de l’esclavage, la protection de l’intégrité physique et
proscription des atteintes à ce droit, le droit à un procès équitable, le droit de cortège et de
manifestation pacifique, la liberté d’association, la liberté de circulation et d’établissement sur
toute l’étendue du territoire national, la liberté du citoyen d’entrer et de sortir du territoire
national, l’interdiction de contraindre un citoyen à un déplacement forcé et à l’exil, le droit
d’asile, le droit au respect de la vie prive et familiale, le droit à l’inviolabilité du domicile, le
droit de propriété sous réserve d’une expropriation pour cause d’utilité publique et d’une juste
et préalable indemnisation, la liberté de presse, d’expression et de communication, le droit
d’accès à l’information publique, la garantie du droit de pétition des citoyens inscrits sur une
liste électorale, le droit des guinéens établis à l’étranger de participer à la vie de la nation et le
droit à la compréhension de la constitution. On pourrait rajouter l’intégrité mentale à la
protection de l’intégrité physique. De même, au niveau du droit de propriété sous réserve
d’une expropriation pour cause d’utilité publique et d’une juste et préalable indemnisation, il
ne serait superflu d’ajouter sous le contrôle du juge. A la liberté de presse, d’expression et de
communication, il est plus qu’important d’ajouter la liberté d’opinion qui en est la base.
L’insertion de deux droits nous semble importants à saluer : c’est celui de la garantie du droit
de pétition aux citoyens et celui du droit des guinéens établis à l’étranger de participer à la vie
de la nation, droits mentionnés ci-haut. Ici, il faudra en tracer les grandes lignes au risque de
produire des vœux pieux. Au droit à la compréhension de la constitution, une sorte
d’éducation à la vie démocratique, il serait utile d’ajouter l’éducation aux droits de l’homme.
Il serait également nécessaire d’ajouter aux droits civils et politiques que dessus le droit à un
traitement humain et dans la dignité des personnes privées de liberté, l’interdiction de
l’emprisonnement pour régler des obligations de nature contractuelle et le droit de prendre

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part, sans discrimination, à la direction des affaires publiques et d’accéder de manière égale
aux fonctions publiques du pays.
Les droits économiques sociaux et culturels reconnus concernent, quant à eux, le droit à
l’éducation, le droit à la santé, le droit à un travail décent, le droit à un logement décent, le
droit au mariage, la protection spéciale des enfants, la protection spécifique des handicapés et
la protection spécifique des personnes âgées. Il serait intéressant d’ajouter à ces droits
économiques, sociaux et culturels listés ci-dessus le droit à un niveau de vie suffisant et le
droit de participer à la vie culturelle du pays. Il faudrait également nommément citer le droit à
la liberté syndicale et aux négociations collectives ainsi le droit à la sécurité sociale, s’il le
faut, à part, du droit à un travail. Un aspect à saluer est l’adjonction du mot « décent » au droit
à un travail et au droit à un logement ; cet élément apporte un aspect qualitatif au concept
travail et logement, conformément aux normes de l’OIT. Ici également, on pourrait prévoir
des mesures de sauvegarde des droits proclamés de manière identique à l’article 4 du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « Les Etats parties au
présent Pacte reconnaissent que, dans la jouissance des droits assurés par l’Etat conformément
au présent Pacte, l’Etat ne peut soumettre ces droits qu’aux limitations établies par la loi, dans
la seule mesure compatible avec la nature de ces droits et exclusivement en vue de favoriser le
bien-être général dans une société démocratique. » On remarquera facilement que les
restrictions sont assorties à l’existence d’une base légale, la proportionnalité des mesures
restrictives et surtout la protection de l’intérêt général. Toujours en tenant compte de la nature
particulière de ces droits et surtout pour en garantir la justiciabilité, on pourrait insérer une
disposition semblable à l’article 2 du Pacte précité : « Chacun des Etats parties au présent
Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération
internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses
ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus
dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de
mesures législatives. » Il appartiendra ainsi à l’Etat de déterminer la mise en œuvre
progressive de ces droits dont certains aspects nécessitent la réunion de moyens importants.
Les droits à la solidarité sont évoqués mais rangés dans le préambule et au sein des droits
économiques, sociaux et culturels. Deux d’entre eux seulement y figurent : le droit du peuple
à disposer de ses ressources naturelles et de ses richesses nationales et le droit à un
environnement sain. Il serait intéressant que leur rédaction finale soit proche aux dispositions
détaillées figurant respectivement aux articles 21 et 24 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples de 1981. Il serait intéressant d’y ajouter les autres droits de solidarité
comme le droit du peuple au développement, le droit à la jouissance du patrimoine commun
de l’humanité et le droit à la paix et à la sécurité.
Un ensemble de devoirs clos le titre consacré aux droits et libertés. Ces devoirs sont les
pendant des droits. Il s’agit notamment du droit de payer l’impôt et du droit de s’acquitter
convenablement de ses responsabilités envers la nation. Il est reconnu à l’individu « le devoir
de tout citoyen de défendre l’intégrité du territoire national et de s’opposer à toute forme
d’accession, de maintien et de transmission inconstitutionnel du pouvoir ». Il faut transformer
ce devoir en droit tant vis-à-vis du peuple que de celui de l’individu et de l’écrire en des
termes clairs. Au regard de l’histoire du pays, il est essentiel de faire figurer le droit du peuple
à la résistance à l’oppression dans notre texte constitutionnel comme ultime recours.
Un dernier point concerne les mesures de sauvegarde des liberté fondamentales en
permanence et en temps de crise ; le texte proclame l’« inviolabilité et inaliénabilité des droits

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et libertés consacrés et impossibilité qu’une situation d’urgence ou d’exception ne puisse
justifier la violation des droits humains ». Cet aspect a tout son sens d’autant plus que les
périodes de crise sont les moments les plus propices aux violations des droits humains. Il
serait intéressant de le libeller à l’image de l’article 4 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques de 1966 : « Dans le cas où un danger public exceptionnel menace
l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au présent Pacte
peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux
obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas
incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles
n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la
langue, la religion ou l’origine sociale. » On pourrait compléter cette disposition par un
second alinéa mentionnant l’impossibilité de dérogation sur ce qui est convenu d’appeler le
« noyau dur » des droits humains en l’écrivant en ces termes : « La disposition précédente
n’autorise aucune dérogation au droit à la vie, à l’interdiction de la torture et autres peines et
traitements cruels et dégradants, à la réduction à l’esclavage et pratiques analogues et au
respect du principe de la non rétroactivité de la loi pénale. » Tous les autres droits qui
admettent des limitations peuvent être libellés de manière à garantir leur intégrité contre les
restrictions arbitraires à l’image de l’article 21 du Pacte précité : « Le droit de réunion
pacifique est reconnu. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions
imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans
l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la
santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui. » On y remarque que la
reconnaissance du droit est immédiatement suivi de légalité et de nécessité avec des motifs
limitativement énumérés.
Le cadre institutionnel pour la garantir des droits humains : des efforts à faire
En troisième lieu, nous allons examiner les institutions à mettre en place pour garantir le
respect des droits fondamentaux des citoyens guinéens. Le Président de la République devrait
être logiquement le garant des droits humains des citoyens. Le Premier ministre est aussi le
garant de la promotion et de la protection des droits humains. La légifération sur les droits
humains relève de la compétence de l’Assemblée Nationale. Si les circonstances le
permettent, son autorisation préalable devrait être requise suivant les lois sur les mesures
d’urgence, pour toutes mesures allant dans ce sens, de même que son accord express pour leur
renouvellement. Ce ne sont là que des garanties de respect des droits humains en temps de
crise. La Cour constitutionnelle a compétence sur le champ des droits humains. Il serait
intéressant d’ouvrir la saisine directe aux particuliers pour les violations des droits humains
comme le fait éloquemment le Benin, avec sa Cour constitutionnelle et son abondante
jurisprudence en la matière. La Cour suprême garde la compétence sur la légalité des actes
administratifs sous ses différentes variantes et sous certaines réserves. Le Conseil supérieur de
la magistrature joue un rôle essentiel dans la protection des droits humains en garantissant
l’indépendance des juges. Il serait intéressant que sa composition puisse être revue de manière
à inclure même des citoyens justiciables suivant les modalités qui pourraient être définies. Il
faudrait rendre obligatoire, à même la constitution, son avis pour tout acte concernant la
carrière des magistrats en vue de garantir leur indépendance contre les immixtions et autres
représailles de l’exécutif. Il demeure indéniable que le juge ordinaire est le premier garant des
droits humains.
Il est prévu une Commission nationale de l’éducation civique et des droits de l’homme. Nous
émettons des sérieuses réserves sur l’adjonction « éducation civique » aux droits de l’homme
pour cette importante institution nationale. Le risque de dilution des réelles missions de

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promotion et de protection des droits humains dans des tâches floues d’éducation civique est
très grande. Nous plaidons pour le maintien d’une « Commission Nationale Consultative des
Droits de l’Homme », dans la tradition d’une Institution Nationale des Droits Humains
(INDH) qui est organe par lequel l’Etat se donne ressources et moyens pour remplir sa
mission de garantir le respect des droits humains. Par le passé, cette institution a eu des
difficultés nées de son absence de conformité avec les canons traditionnels d’une institution
dont les normes et principes sont définies par les Nations Unies, à travers les Principes de
Paris. Ces principes, qui portent le nom de leur lieu d’adoption par les Nations Unies comme
de coutume, sont un ensemble de règles permettant à ces institutions de s’acquitter
convenablement de leur mission sans interférence de l’Etat, le plus important d’entre eux est
que les membres provenant des organes de l’Etat ne doivent pas être majoritaires dans sa
composition et doivent avoir une voix consultative lors de ses travaux.
L’importance de ne pas faire l’économie du respect des droits humains pendant la
période transitoire : préparer le terrain pour le respect de l’humain
En quatrième et dernière analyse, nous avions mentionné dans une précédente tribune que le
bilan de l’actuel Premier Ministre, Monsieur Amadou Oury BAH, en raison de son combat
antérieur pour les droits humains (membre fondateur de l’OGDH) et son expérience
ministérielle précédente (ancien ministre en charge de la réconciliation nationale) sera
principalement examiné sous deux angles : le respect des droits humains et l’instauration
d’une réconciliation nationale effective. La présente tribune porte sur les droits humains et
celle sur la réconciliation nationale était intitulée « Amorcer le chantier de la réconciliation
nationale en Guinée : un défi à relever pour le nouveau gouvernement » (Tribune Juris
Guineensis No 60, 04 avril 2024). Nous voulons mentionner ici que ce futur texte
fondamental ne vaudra que par son application rigoureuse. Les autorités aux commandes de
l’Etat guinéen, en particulier les autorités gouvernementales, ont l’obligation d’améliorer le
bilan en matière du respect des droits de l’individu et du climat sain du vivre-ensemble.
S’investir dans le respect des droits humains s’avère inéluctable pour le capital humain
nécessaire au développement du pays.
En somme, il n’est point besoin d’insister sur l’intérêt de la norme constitutionnelle qui sera
soumis à l’appréciation du peuple dans l’agencement normatif et institutionnel du pays. En
effet, l’enchâssement des idéaux, principes et droits dans le préambule de l’avant-projet de la
constitution guinéenne préfigure les normes, les institutions et l’interaction entre elles dans le
texte. Logiquement, le reste du texte devra scrupuleusement être en accord avec les idéaux et
principes qui se trouvent dans le préambule qui est, plus qu’un exposé de motifs mais
l’énoncé de la philosophie qui sous-tend l’ensemble et dont il fait partie intégrante. Les
dispositions portant sur les droits humains reconnus fondent l’objectif même d’un Etat, qui est
principalement la protection de la personne humaine.
Cette présente tribune marque également le début de notre pause habituelle en raison des
vacances académiques et judiciaires, sous réserve de la survenance d’un évènement
d’importance particulière. C’est le lieu et l’occasion, pour nous, de remercier les responsables
des médias guinéens et étrangers (journaux de la presse écrite, médias audiovisuels et
électroniques et autres supports des réseaux sociaux) pour l’accueil et de saluer les lectrices et
lecteurs pour l’intérêt accordé à notre tribune.

Mamou, le 08 aout 2024

-Juris Guineensis No 677
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

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