La violation flagrante de la loi est devenue le sport national favori de nos autorités. La dernière est le décret du 9 août 2023 pris par le Colonel Mamadi DOUMBOUYA, Président de la Transition. Dans ce décret le Président de la Transition a pris un acte modifiant l’article 99 qui encadre le mode de désignation des conseils de quartiers et de district contenues dans la Loi organique N°L/2017/N°0039/AN portant sur le Code des collectivités révisé de 2017. Cet article stipulait que la désignation de ces membres était faite au prorata des résultats obtenus dans les districts et quartiers par les listes de candidature à l’élection communale.
Cet acte soulève deux interrogations selon moi.
Peut-on l’attaquer devant les juridictions administratives ?
Cet acte respecte-t-il le parallélisme des formes et des compétences en Droit.
À mon avis, on peut attaquer le décret du Président devant une chambre administrative pour excès de pouvoir et de compétence parce que cet acte ne respecte ni le PARALLÉLISME DES FORMES NI LE PARALLÉLISME DES COMPÉTENCES en Droit. Pour simplifier, on peut dire pour qu’un acte (législatif) qui a été adopté sur une certaine procédure législative ne puisse être modifié ou abrogé que lorsqu’on utilise la même procédure législative identique.
Cela veut dire que la révision ou l’abrogation de cet article 99 devrait suivre la même procédure qui a conduit à l’adoption de cette Loi organique de 2017. C’est-à-dire que c’est par une Loi, on abroge ou modifie une Loi, c’est par un décret, on abroge un décret, c’est par un arrêté, on abroge un arrêté. C’est une règle basique. Le contraire est impossible. À moins que par exemple le Président continue de prendre des ordonnances dans le cadre de loi.
À mon avis dans ce cas précis, le CNT pouvait le faire lorsqu’il est saisi par son chef ou par son gouvernement. Le CNT pouvait se penser sur l’amendement de cet article sans que cela ne puisse être considéré comme une violation de la Loi. Ainsi, l’autorité administrative a donc le devoir de respecter les règles de formes et de fond, c’est-à-dire respecter le PARALLÉLISME DES FORMES conformément à la Loi en vigueur. En Guinée la loi prévoit la personne habilitée à modifier ou de supprimer l’acte (législatif) dans l’ordonnancement juridique. Donc l’acte doit être pris par l’autorité compétente, c’est-à-dire celle qui dispose de l’habilitation à le faire. C’est par exemple l’organe qui édite, qui crée l’acte en vertu du PARALLÉLISME DES COMPÉTENCES. Et c’est le CNT qui serait habilité à le faire à mon avis.
Précisons néanmoins qu’IL (PRÉSIDENT) pouvait le faire si le pays ne disposait pas d’un organe législatif. Dans ce cas IL (PRÉSIDENT) pouvait légiférer par ordonnance en l’absence de l’organe législatif. Mais dans ce cas nous avons un Conseil National de Transition qui fait office d’organe législatif qui conformément à la Charte de la Transition et selon ses pouvoirs peut réviser ou amender les dispositions d’une Loi telle que la loi organique N°L/2017/N°0039/AN portant sur le Code des collectivités locales révisé de 2017 en
République de Guinée. À cet effet l’article 57 de cette Charte dispose que les missions du CNT sont entre autres : « d’élaborer, examiner et adopter les textes législatifs ». Et ce n’est qu’après ainsi que le Président pourrait prendre un décret pour promulguer l’amendement de l’article 99 de cette loi organique. C’est l’article 41 de la Charte qui dispose ainsi qui suit : « le Président de la Transition promulgue les lois adoptées par le CNT dans les 15 jours calendaires à compter du 8e jour franc de leur transmission ».
Dr Sadou DIALLO
Docteur en Droit public