Lorsque des magistrats sont soupçonnés d’avoir commis des fautes professionnelles et qu’ils ont été suspendus en prélude de la saisie du Conseil supérieur de la magistrature, il est souhaitable que la procédure soit menée jusqu’à son terme. Dans notre pays, la suspension d’un magistrat, mesure purement conservatoire, est perçue par la majorité comme une véritable sanction reposant sur des faits fautifs. Si un magistrat a été suspendu, c’est parce qu’il a commis une faute professionnelle, voilà ce que pense le commun des mortels. Alors que seul le CSM peut juger un magistrat pour une faute professionnelle. Le ministre de la Justice n’en a pas le pouvoir. Si, après la suspension d’un magistrat, le CSM a été saisi dans le délai légal, il devrait absolument rendre une décision, même si celle-ci n’est pas rendue publique. Et si la saisine du CSM n’est pas faite dans ce délai, la suspension tombe et le magistrat est censé pouvoir reprendre ses fonctions.
Ainsi, la question qui se pose est de savoir si » le pardon » accordé par le Garde des Sceaux peut mettre un terme à la procédure disciplinaire engagée contre un magistrat ? Sauf erreur, la réponse est non dès lors que le CSM est saisi.
Or, après un mois de suspension, le CSM est supposé avoir été saisi sinon on ne parlerait plus de suspension.
L’autre question qui se pose est de savoir si les magistrats concernés accepteraient un pardon du Garde des Sceaux. En effet, on ne pardonne que ceux qui ont commis une faute. Celui qui demande pardon ou accepte d’être pardonné reconnaît implicitement avoir commis une faute. Et dans cette hypothèse, le justiciable lui-même devrait demander que le CSM rende sa décision sur les faits reprochés au magistrat. En pardonnant un magistrat – à supposer que ce pardon ait une base légale – qu’est-ce qui pourrait garantir la non – répétition des faits pour lesquels il a été suspendu et qui lui ont valu des poursuites devant l’organe disciplinaire des magistrats ?
En principe, même les magistrats concernés – du moins ceux qui ne se reprochent rien – devraient chercher à obtenir une décision qui les blanchirait totalement devant l’opinion publique. Surtout qu’il est fait allusion à des faits de corruption sans qu’on ne puisse faire la démarcation entre celui qui est poursuivi pour corruption et celui qui est poursuivi pour d’autres faits. Et surtout que chaque cas de suspension d’un magistrat a été publié et fait l’objet de moults commentaires.
Mais les magistrats qui savent que les poursuites disciplinaires engagées contre eux sont fondées se contenteront du pardon que leur a accordé le ministre et le béniront d’ailleurs pour cet « acte de grandeur » même s’il suscite des interrogations quant à son fondement légal.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier