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Thursday 19 September 2024

Le Mercenaire et la Belle

Cette histoire me fut racontée par ma mère et par un vieux de Kpaya, j’étais adolescent, réservé et je ne posais pas beaucoup de questions à cette époque-là. Quand plus tard, je devins chroniqueur à la radio, ces personnes n’étaient plus de ce monde pour me donner plus de détails. C’est la raison pour laquelle, je ne connais que les noms de deux personnes de ce film grandeur nature qui se déroula à Kpaya.

Il était une fois, un puissant chef de village qui était en conflit avec Kpaya et il s’était juré de donner une leçon à ce village situé à 10km de Zalkwèlè. Pour la cause, ce chef fit appel à un mercenaire réputé et puissant car il y avait dans le pays Kpèlè, des bandes armées qui défendaient ou attaquaient des villages au gré du plus offrant.

Mme Thea Luopou Félicité arrière petite fille de la Belle du récit et mère de l’auteur Paul Théa.

Les nouvelles de l’accord entre ce chef et le Mercenaire et donc d’une attaque imminente firent grincer des dents à Kpaya. Il fallait sans tarder, imaginer toutes les possibilités pour défendre le village. Comme dans toutes les stratégies militaires, des espions allaient toujours vérifier les systèmes de défense pour trouver une faille alors il fallait trouver la faille pour battre Kpaya.

A cause de l’importance de la mission et certainement du pactole reçu, le mercenaire, accompagné d’un petit groupe de soldats, se chargea personnellement de sa mission de reconnaissance. Ils arrivèrent aux abords de Kpaya et trouvèrent des jeunes filles qui faisaient la lessive dans une rivière. Leur apparition fit peur mais le mercenaire rassura très vite les filles. En fait, de sa cachette, il avait eu tout le loisir d’observer ces filles et de remarquer une d’entre elles. Celle-ci était très belle, une beauté dont tout le village parlait ; ainsi la mission de reconnaissance vint à se transformer en une mission de drague, le mercenaire déclara sa flamme. Sans sourciller, la fille lui répliqua : « C’est toi le grand guerrier dont tout le monde parle ? C’est toi qui va attaquer notre village et tuer nos parents et c’est toi qui ose dire que tu veux de moi ? Jamais, je n’accepterai ta demande ».

  • « Ecoute ma belle, si tu acceptes d’être ma femme, je te fais la promesse de ne pas attaquer Kpaya et de surcroit de le défendre contre toute attaque, tu as ma parole d’honneur », une parole d’honneur était sacrée. C’est un peu ce type de dialogue qui eut lieu entre les deux et disons que l’histoire de l’humanité est gorgée d’anecdotes de ce genre, un oui ou un non qui pouvait faire basculer des événements d’un coté comme de l’autre. Voilà une jeune et belle fille qui, tout d’un coup, avait le pouvoir de décision qui allait affecter tout un village. Refuser en imaginant toutes les conséquences ou accepter pour sauver les siens, elle opta pour la seconde solution.

Kpaya avait imaginé toute sorte de défense sauf celle-ci; c’était un miracle. Tout le village exprima sa reconnaissance à cette jeune fille, le mariage fut scellé et le couple séjourna à Kpaya avant d’aller ailleurs. Ils ont eu des enfants, je n’en connais que deux : la fille ainée qui est Ma Gbokou (grand-mère Gbokou), qui était la grand-mère maternelle du grand artiste Souleymane Koly et le garçon Ibrahima (le kpèlè dit Bla ima) qui est mon grand-père maternel.

Ouvrons ici une parenthèse, je disais dans un article précédent que Samory Touré avait passé un accord avec Zébéla Togba, le chef Toma qui lui fournissait des soldats ; il faut aussi noter que Samory avait ce type d’accord avec le Roi de Ggèkè (Gouecké) et certainement avec d’autres chefs des habitants de la forêt. Ces guerriers Tomas et Kpèlès étaient redoutables, ils furent des grands artisans dans les victoires de Samory Touré et ils furent aussi vers la fin, l’une des causes du déclin de celui-ci.

Pour la simple raison que Samory Touré s’étant proclamé commandeur des croyants, il procédait à l’islamisation forcée de ces sofas (soldats), excédés par ces pratiques, ces Kpèlès et Tomas entre autres, protestèrent en refusant de participer aux combats décisifs. Dans la biographie de Samory Touré, c’est ce que les historiens appellent « la guerre du refus menée par des animistes qui ne voulaient pas d’une islamisation forcée ». Fermons la parenthèse.

Quand ce fameux mercenaire devait quitter Kpaya, les sages demandèrent à mon grand-père d’y rester, il fut toujours choyé par reconnaissance à l’action de sa mère. Il fut l’un des premiers Kpèlès qui se convertirent à l’Islam et changèrent de nom de famille pour prendre les noms de Malinké qui les convertirent. Un Lamah devenu Cissé.

Le premier fils de mon grand-père, Ehj Mohamed Cissé, fit ses études en Egypte et il fut le premier Kpèlè Imam de N’Zérékoré ; il n’est plus de ce monde, c’est son premier garçon qui est actuellement l’Imam de Zalkwèlè.

NB : Le vieux qui me raconta ce récit ajouta à la fin « Paul tu vois comme ta mère est belle, eh bien elle ressemble beaucoup à sa grand-mère ». Voilà mon stock d’histoire Kpèlè est épuisé.

Maman n’est plus de ce monde, cette photo d’elle fut prise à l’aéroport de Gbessia quand elle m’avait accompagné, je retournais en France pour mes études.

Paul THÉA, Spécialiste en communication pour Lolaplus

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