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Thursday 19 September 2024

Le coup d’état au Niger : Un couteau à double tranchant (Jair Keita)

Le coup d’état qui a renversé le pouvoir légal au Niger m’interpelle et m’inspire une série de questions auxquelles je voudrais tenter de donner des réponses.

1) le coup d’état du Colonel Tchiani est-il fondé sur des arguments pertinents liés à la souveraineté du pays ?
Je ne pense pas qu’il en est un seul.
Si c’était le cas, les rapports des renseignements militaires et des services secrets seraient brandits par le Colonel Putschiste.

2) le Niger était-il dans une situation de crise politique, comme ce fut entre 1993 et 1995 entre Ahmadou Cheiffou et Mahmane Ousmane ?
Non.
Au contraire, l’élection du Président déchu s’est faite dans une élégance rare dans l’espace francophone. Les lendemains n’ont pas été émaillés de violences politiques ni communautaires.

3) l’économie et l’administration du Niger sont-elles minées par la gabegie et la malgouvernance ?
Je ne pense pas.
Le taux de croissance économique du Niger est appréciable à 12%. Aussi le Niger n’a pas la triste réputation des grands scandales financiers.

4) le territoire du Niger est-il envahi par les Jihadistes ?
Non.
Toutefois, le pays est sous menace permanente, à l’instar de tous les pays du Sahel. Les efforts de l’ancien Président Issoufou sont poursuivis par son successeur et les partenaires du Niger, dans une démarche fondamentalement différente de celle du Mali et du Burkina.

5) y a-t-l eu (avant le coup d’état) des soulèvements populaires contre le pouvoir légal ?
Non.
Le peuple nigerien semblait être en harmonie avec la classe dirigeante, même si une minorité animée par le néo-francobisme, voudrait que le Niger emboite le pas aux voisins de l’ouest.

6) y a-t-il eu persécutions ou violations majeures des droits humains ?
Les violations et les persécutions étaient courantes au Niger aux temps de Barré Maïnassara, de Wanké et de Tandja. Depuis Issoufou, il y a une nette amélioration.

7) y a-t-il eu une volonté du Président en exercice de tripatouiller la constitution en vue de s’éterniser au pouvoir ?
Non.
Le philosophe et syndicaliste Bazoum n’a jamais annoncé le mauvais exemple de son homologue Frédéric Chiluba de Zambie et de ses aînés Ouattara et Condé.

😎 y a-t-il eu la volonté du Président de la République de faire valoir son pouvoir discrétionnaire pour déplaçer un officier supérieur de son poste habituel ?
Oui.
Si l’on en croit la presse.
Ce pouvoir du Président est legal et légitime, même s’il avait passé un deal avec l’officier concerné. Au Niger comme dans les régimes présidentialistes, le Président de la République a le droit de nommer aux hautes fonctions militaires, avec ou sans information préalable de quique ce soit.
D’ailleurs on peut dire que le Président Bazoum a été victime de son fair-play et de son élégance morale. Sinon, le Colonel Tchiani aurait appris son limogeage à la Télé Sahel.

9) Est-ce que tous les corps de l’armée ont été associés à l’esprit et à l’exécution de ce coup d’état ?
Je ne crois pas.
Le Commandant de la puissante Garde présidentielle a certainement agi avec son seul régiment acquis à sa cause. Il a dû faire comprendre à sa troupe que son limogeage serait le limogeage de tous ses hommes. Le Président Bazoum et sa famille semblent être pris pour bouclier humain, en attendant le ralliement timide des officiers des autres corps.
Il n’ose pas les emmener pour les detenir dans les prisons ou dans les camps militaires.
Les tâtonnements dans les nominations à la tête de la junte, dans la composition du CNSP et du Gouvernement en disent long.

10) Le présent coup risque t-il de menacer le tissu social du Niger ?
Bien sûr.
Le Niger, le Mali et le Tchad ont la même particularité géo-sociologique et historique.
Les minorités arabo-touaregs de ces 3 pays se plaignent depuis les indépendances de leur marginalisation, réclamant plus d’autonomie et surtout plus de participation à la gestion publique et plus de bénéfice des retombées économiques. Pour une fois, le Niger a démocratiquement élu un de ses fils issus de cette minorité arabe. C’est un acquis pour ce pays que les analystes n’abordent pas.
Cet acquis est pourtant un stimulant pour l’unité d’un Niger multirtacial et multipolaire.
Un coup d’état qui rompt ce 《pacte non écrit》est une menace pour l’unité de la nation.
Que penseront les Arabes et les Touaregs du Niger et de la bande sahelienne après le renversement de l’un des leurs au milieu de son 1er mandat ?
Voilà une fibre très sensible qui présente un risque réel pour la démocratie et le vivre-ensemble au Niger.
Le Colonel Tchiani a-t-l pensé à cet aspect ?

Pour être sérieux, je crois que ce Colonel est frustré à l’annonce de son remplacement par un autre officier à ce juteux poste à la tête de la Garde présidentielle ; une unité qui est apparemment une armée dans l’armée nationale.
C’est cela la vraie raison de ce coup d’état.

Ibrahima Jair Keita

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