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Friday 22 November 2024

LA GUINEE A – T – ELLE BESOIN D’UNE CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE ?

Le concept des conférences nationales jaillit dans les années 90s en Afrique noire aux antipodes des dictatures de l’époque. S’il est vrai que pour les pays qui s’étaient prêtés à cet exercice les résultats furent aussi variés que mitigés, force est de reconnaître que la problématique qui les avait conduits à ces conférences fut presque la même : confiscation du pouvoir politique dans les mains d’une classe minoritaire, corruption et mauvaise gouvernance, pauvreté endémique dans l’écrasante majorité de la population, décimation de l’économie nationale…

Dans une certaine mesure, l’émergence des conférences nationales a soufflé le vent de la démocratisation de l’Afrique noire. Même dans les pays qui n’avaient pas fait l’expérience des conférences nationales, les priorités internes et les exigences des partenaires au développement portaient désormais sur l’adoption des régimes démocratiques.

Pour ma part, l’objectif d’une conférence nationale consiste à mettre en cause le statu quo en faisant une analyse objective et approfondie du présent système et de ce qui a conduit à ce système. Il s’agit notamment de faire l’état des lieux dans le but ultime d’adopter une nouvelle orientation politique assortie d’un nouveau système de gouvernement. La conférence nationale est l’occasion de réunir les forces vives d’un pays dans un contexte de renouveau politique mais aussi et surtout dans un esprit de réconciliation entre les différents groupes sociaux du pays.

Une conférence nationale souveraine en Guinée permettrait aux forces vives – les partis politiques, les coordinations régionales, les intellectuels, le clergé, les organisations de la société civile, la diaspora…- de se réunir pour faire une analyse rétrospective des soixante-deux ans d’indépendance du pays. Ce genre de conclave permettrait également aux représentants de chaque composante de la population d’exposer ce qu’ils perçoivent comme préjudice subi du fait de l’un des régimes précédents de notre histoire.

Le paysage politique guinéen en dit long non seulement sur notre passé mais également sur l’état d’esprit des différents groupes sociaux. Au moment où les esprits sont préoccupés par la lutte contre un éventuel changement constitutionnel qui pourrait permettre au président de se faire réélire pour un troisième mandat, le vrai problème de la Guinée est bien au-delà de l’actualité. Le problème fondamental de la Guinée est le manque d’une alternative politique fiable et bénéfique à l’ensemble du pays. Entre la mouvance et l’opposition, la principale différence tient à ce que la première détient le pouvoir que la dernière cherche à arracher. Dans le fond, on continuera à être confronté aux mêmes réalités à moins d’une refonte radicale du système tel que nous le connaissons aujourd’hui. Une telle refonte qui ne peut se faire que par le biais d’une conférence nationale permettrait aux guinéens de faire le vrai diagnostic du problème guinéen qui est avant tout un problème social. C’est ce problème social qui fait qu’une fois au pouvoir, on refuse de l’abandonner car on a peur pour son groupe social des représailles des prochains détenteurs du pouvoir. C’est ce problème social qui fait que l’opposition cherche à tout prix le pouvoir parce qu’on a hâte de rendre la monnaie de sa pièce pour plusieurs décennies de préjudice fait à son groupe social.

Le problème social guinéen est aussi vieux que le pays lui-même. Comme à chacun son tour chez le coiffeur, chaque groupe social aura eu, tant soit peu, sa dose d’amertume et de ressentiment dans le parcours politique du pays. Les peuls en veulent au régime de Sékou Touré pour les avoir fait occuper la sellette des complots imaginaires de ce dernier et pour avoir fait les frais du sinistre Camp Boiro. Les Malinkés accusent le régime de Lansana Conté de l’épuration dont ils ont été victimes suite à la prise du pouvoir par ce dernier. Les Forestiers et les autres ne cessent de se plaindre de la marginalisation dont ils ont toujours été victimes sous les régimes précédents et présents. D’un groupe social à un autre, les ressentiments se sont accumulés de nature à constituer aujourd’hui l’unique motivation de faire la politique en Guinée.

Eu égard à notre passé aussi coloré que diversifié telles les quatre régions naturelles du pays, et vu le dysfonctionnement politique dans lequel on se retrouve, il convient de se demander quel avenir voulons-nous pour le pays et pour les générations futures. Sommes-nous prêts à nous regarder dans le miroir et faire un examen conscient de notre passé afin de projeter une trajectoire pour le moins consensuelle et inclusive ? Si la Guinée est vraiment une famille, il est temps que la famille vienne ensemble pour laver le linge sale en famille. Et après, on parlera démocratie car la qualité de la démocratie dépendra de la pureté du linge.

Par Foromo Emile Lamah
New York, NY

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