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Monday 25 November 2024

LA CRISE NIGERIENNE : Voici mon point de vue !!! (Jair Keita)

Le coup d’état au Niger est la conséquence du sentiment d’égo surdimentionné du Colonel Tchiani, Commandant de la puissante Garde présidentielle. Son acte personnel risque de plonger le pays dans une nouvelle incertitude aux conséquences regrettables.

Dans ma précédente publication, j’ai passé en revue les points de défaillance d’une gouvernance qui pouvait justifier ou inspirer un coup d’état dans le contexte africain.
En conclusion, j’ai déduit que le Colonel Tchiani n’avait aucun argument d’intérêt national pour renverser un régime légalement établit, à mi-parcours de son premier mandat.
Il est simplement inquiet de la perte imminente du juteux poste qu’il occupe depuis plus d’une décennie. Donc, son coup d’état est motivé par une raison purement personnelle.

En effet, le Colonel (comme beaucoup d’officiers africains) doit être habitué à l’argent et aux privilèges liés à la fonction de Commandant d’une unité financièrement autonome et nettement au dessus des autres corps de l’armée.
Aussi, il semble être habité par une certaine redevabilité du Président Bazoum à son endroit, par le fait qu’il aurait déjoué un complot contre le Président alors fraîchement élu.
Par ces 2 motifs, strictement personnels, le Colonel Tchiani se croit inamovible au poste de Commandant de la garde présidentielle.

Où est le patriotisme ? Où est la discipline qui est la première vertu d’une armée ?

En cela, le Colonel a commis une grave faute qui risque de plonger son pays dans une profonde crise. Le prétexte qu’il a avancé, relatif à la sécurité et à la situation économique du Niger, est d’une absolue légèreté.

Le second volet de ma réflexion porte sur la réaction très maladroite de la CEDEAO et de la France. Une crise de ce genre ne peut pas se résoudre par la violence.
Ce que le Général De Gaulle a réussi au Gabon en 1965 en réinstallant Léon MBA, ce que la France a réussi en faisant réinstaller Ahmed Abdallah aux Comores et David Dacko en Centrafrique, Macron ne peut pas le réussir de nos jours.

Pour sa part, malgré l’intervention de la force ouest-africaine ECOMOG, la CEDEAO doit se souvenir de ce que le président Samuel Doe a subi au Liberia et des conséquences dramatiques qui en ont résulté.
En d’autres termes, l’usage des armes pour rétablir le Président déchu au Niger serait une grave faute.
Faut-il risquer de détruire un pays, de tuer des innocents pour sauver un homme et sa famille ?
Une invasion du Niger ne présente-t-elle un risque de liquidation de Bazoum et d’extermination de sa famille ?

Je rappelle à la CEDEAO que la 1ère Première Dame du Niger a été tuée le jour du coup d’etat qui a renversé Hamani Diori en 1974.

Bazoum ne peut pas être sauvé et rétablit par les armes si l’on veut éviter la chienlit au Niger.
C’est la négociation et le dialogue qui sont les meilleures armes dans les conflits de ce genre.
L’actuel Président de la CEDEAO et son prédécesseur sont très novices dans la gestion des crises internationales. Ils doivent faire preuve de sagesse pour mériter la confiance des parties en conflit et de tous les membres de l’espace CEDEAO.

Lorsqu’en 1974, les Présidents Yacoubou Gowon du Nigeria et Gnassimbé Eyadema du Togo initiaient la création de la CEDEAO, ce n’était pas la personne des chefs d’état qui étaient mise en avant.

Lorsqu’en 1975, les pères fondateurs signaient le protocole, ils avaient en vue l’intégration économique des pays membres dans l’intérêt des populations et des agents économiques.
C’est cela le substrat de la CEDEAO.

Ce n’est pas un syndicat des chefs d’état.

Si L’ÉCOMOG a eu le mérite d’intervenir au Liberia, en Sierra Leone, en Guinée Bissau et en Gambie dans les années 90 et 2000, qu’est-ce qui a empêché la même CEDEAO de constituer une nouvelle force pour aider le Mali, le Burkina et le Niger à repousser les Jihadistes ?
Pourquoi a-t-elle croisé les bras pour ces 3 pays membres alors qu’elle a marqué sa présence et joué un rôle déterminant dans la restauration de la paix au Liberia, en Sierra Leone, en Guinée Bissau et en Gambie ? Son immobilisme dans le dossier Jihadiste au Sahel est en lui-même une crise de confiance entre ces 3 pays et la CEDEAO.

L’influence remarquée de la France dans les décisions de la CEDEAO, depuis l’investiture de Ouattara en Côte d’Ivoire à travers le dossier de la monnaie unique et la Françafrique, est un autre facteur qui a entretenu le doute sur l’institution et développer ce que j’appellerais LE FRANCOPHOBISME dans la zone de l’interland en particulier et de l’Afrique noire francophone en général.

Les jeunes africains savent que c’est l’hypocrisie des gouvernants français qui est à l’origine du Jyhadisme dans le Sahel (conséquence de l’assassinat de Khadafi).
La forte migration des hommes et des armes ont conféré un caractère islamique aux revendications d’autonomie des minorités Touaregs du septentrion sahalien, qui est vite devenu l’autre base des fondamentalistes de tous bords. Les patriotes africains connaissent aussi le double jeu que l’armée française et ses alliés jouent sur le théâtre des opérations dans le Sahel.

En raison de tous les paramètres ci-dessus développés, le bon sens voudrait que la CEDEAO et la France adoptent de manière séparée, une stratégie empreinte de diplomatie en lieu et place des menaces d’invasion et d’embargo.

Cela est d’autant plus important que bon nombre de chefs d’état Ouest-africains sont imposés, mal élus, mal réélus ou exerçant un pouvoir quasi-monarchique.
À l’exception du Cap-Vert, du Ghana et…du Sénégal, la vraie démocratie se cherche encore en Afrique de l’ouest. Conséquemment, les coups d’état et la reconquête du pouvoir par les armes doivent être évités et combattus par d’autres voies plus fermes et plus civilisées.

Pour terminer, je voudrais rappeler au Colonel Tchiani que le Président Bazoum n’a commis aucune faute grave envers le peuple nigérien pour mériter ce coup d’état.
Qu’il me soit permis de le rappeler que le Président Bazoum a été honnête et respectueux à son endroit, en l’informant de sa volonté de nommer un autre officier à son poste.
Ailleurs, il serait informé en même temps que sa famille, devant le téléviseur.
C’est une marque de considération que le Président venait de lui porter. C’est beaucoup !

Aussi, voudrais-je lui rappeler que le peuple du Niger (Mieux que les autres peuples du Sahel) a eu le mérite de porter sa confiance sur un homme issu d’une minorité ethnique arabo-touareg ; minorité qui a toujours déploré sa marginalisation par les pouvoirs centraux..
Cet état de marginalisation qui date des inpendances est à l’origine de la bipolarisation et des premiers conflits dans les pays du Sahel.
Par l’élection de Mohamed Bazoum, un brillant fils de cette minorité, le peuple nigérien a donné un bel exemple d’unité, de cohésion et d’harmonie sociale.

Un exemple qui doit être entretenu.

Ce volet de la réflexion me semble fondamental pour tout nigérien digne de ce nom.
S’il vous plaît mon Colonel, acceptez de reconnaître votre erreur en ouvrant le dialogue en vue de restaurer la démocratie et l’unité de votre pays.

Les 22 millions de Nigériens ne doivent pas souffrir pour votre intérêt personnel.

Le Niger d’abord.

Ibrahima Jair Keita

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