LA CONSTITUTION DU 6 AVRIL 2020 ET L’ÉLECTION DU 18 OCTOBRE 2020 METTENT-ELLES UN TERME AU FNDC ?
L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA NOUVELLE CONSTITUTION ET LA PARTICIPATION À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE NE REMETTENT PAS SUBSTANTIELLEMENT EN CAUSE LA LUTTE DU FNDC. SEULEMENT, elles entraînent un glissement sémantique dans la conception des objectifs du mouvement.
Ainsi,
AVANT LA PROMULGATION DE LA CONSTITUTION DU 6 AVRIL 2020, l’expression « défense de la Constitution » telle qu’elle est formulée dans l’acronyme FNDC s’entendait du « maintien de la Constitution du 7 mai 2010 ».
Suivant cette hypothèse, la détermination de l’efficacité de l’action du FNDC s’opère à partir de la question de savoir si oui, ou non la Constitution de 2010 défendue, est encore en vigueur. L’on pourrait ainsi considérer que l’adoption de la nouvelle constitution vaut anéantissement de toute probabilité de succès du FNDC. Cet aspect ne constitue que la première branche du raisonnement. Car,
APRES LA PROMULGATION DE LA CONSTITUTION DU 6 AVRIL 2020, l’expression « DEFENSE DE LA CONSTITUTION » telle qu’elle est formulée dans l’acronyme FNDC repose sur le « rétablissement de la Constitution du 7 mai 2010 ».
Suivant cette seconde hypothèse, l’ECHEC DU FNDC ne serait effectif qu’à la condition que le mouvement conçoive sa lutte comme conjoncturelle et se désintègre, en conséquence, à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. Or, il n’en est rien apparemment. Dire qu’il n’en est rien n’est pas dire que le mouvement n’est pas à l’épreuve d’une turbulence certaine. Car, la participation de certains partis politiques de l’opposition à l’élection présidentielle a entraîné ipso facto leur ‘’exclusion’’ du FNDC.
Ainsi, tout en se soumettant à celle de 2020 (qui leur est opposable, en tout état de cause), rien n’interdit aux citoyens de protester contre une Constitution qu’ils désapprouvent. Car si la Constitution exige des citoyens de la respecter, elle leur garantit également le droit de manifester leur liberté d’opinion, conformément aux limites qu’elle prescrit.
En définitive, si un parti de l’opposition défavorable à la Constitution de 2020 venait à gagner les élections, le succès du FNDC s’apprécierait à l’aune de la convergence des objectifs avec ce parti en termes de rétablissement de la Constitution de 2010, y compris sur la base d’un nouvel processus référendaire.
Si le Président du RPG venait à être réélu, le FNDC n’échouerait pas immédiatement. Il ne serait établi qu’il a échoué qu’à la condition que le mouvement s’essouffle, qu’il cesse de mobiliser.
QUELQUES QUESTIONS :
1. L’ENTREE EN VIGUEUR DE LA CONSTITUTION DU 6 AVRIL 2020 MET-ELLE FIN À LA LUTTE DU FNDC ?
L’entrée en vigueur de la Constitution du 6 avril 2020 rend compte de ce que, dans les rapports de pouvoirs, le FNDC n’a pas réussi à empêcher l’abrogation de la Constitution du 7 mai 2010. Mais échouer à empêcher le maintien en vigueur emporte-t-il impossibilité irréversible de poursuivre la lutte pour le rétablissement du texte défendu ? La réponse est certainement négative, au moins théoriquement. Car, il est établi – en dépit de la thèse de l’immutabilité – que « les activités constituantes sont marquées par un double « mouvement de construction et de la déconstruction » (Constance GREWE et Hélène RUIZ FABRI). Sans ainsi avoir besoin d’insister sur un parallèle ‘‘imparfait’’ (en raison de la différence matérielle des objets), il existe, dans plusieurs Etats au monde (Etats-Unis, Afrique du Sud, Turquie, Palestine, etc.), des groupes et communautés qui ont mené, durant des décennies, des lutte contre des lois qu’ils désapprouvaient.
LA PARTICIPATION AUX ÉLECTIONS PRESIDENTIELLES CONSTITUE-T-ELLE NECESSAIREMENT UNE INCOHERENCE (JURIDIQUE) SUBSTANTIELLE DISQUALIFIANT DE LA POURSUITE DE LA LUTTE POUR LA DÉFENSE DE LA CONSTITUTION ?
Tout d’abord, la question est sous-tendue par le postulat suivant lequel la participation à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 implique la reconnaissance implicite de la Constitution du 6 avril 2020. Car, la première est organisée sous l’empire de la seconde. L’incohérence procède ainsi de la non reconnaissance de la Constitution du 6 avril 2020 (en raison de la défense de celle du 7 mai 2010) et de la participation à une élection organisée sous l’empire d’une Constitution non reconnue. Elle repose également sur la participation à l’élection du 18 octobre 2020 dans les conditions similaires (sinon identiques) à celles qui ont prévalu au boycott de l’élection législative (couplée avec le référendum). Or, il n’est pas contestable qu’une telle participation implique reconnaissance implicite de la Constitution explicitement rejetée. Convient-il de relever que la reconnaissance s’entend de l’acte par lequel un sujet de droit considère comme valide et opposable à son égard un fait ou une situation juridique donnée.
L’incohérence politique reposant sur la participation aux élections mérite, à partir de cet instant, UNE EXIGENCE DE MODERATION. Car, il y a une différence – en termes d’effets juridiques – entre la reconnaissance suivant qu’on est en droit international ou en droit interne. En droit international, la reconnaissance est globalement entendue comme une condition de l’opposabilité de l’instrument ou de la situation juridique. A titre d’exemple, ce n’est que lorsqu’un Etat A reconnaît la Palestine comme Etat que cet Etat A traitera ladite Palestine comme tel (un Etat, en termes de droits et d’obligations). En conséquence, il ne suffira pas que les autres Etats du monde reconnaissent et considèrent la Palestine comme un Etat pour que l’Etat A soit obligé de considérer la Palestine comme Etat, s’il ne le reconnaît.
En va-t-il de même en droit interne (et surtout lorsqu’on parle de Constitution ?). Rien n’est moins sûr. Car, la reconnaissance de la Constitution n’est pas la condition de son opposabilité aux individus. Tout d’abord, il a déjà été relevé (dans un de mes précédents écrits sur « l’Etat sans Constitution ? ») que le texte que j’ai qualifié de texte à vocation constitutionnelle devrait être invalide juridiquement. Car, le critère de sa validité juridique et de sa légitimité politique constitue la promulgation du texte entièrement approuvé par le peuple. Pour autant, il a été validé par la Cour constitutionnelle, en dépit de sa falsification (Arrêt n°AC 014 du 11 juin 2020 relative à la « Constatation de la procédure de promulgation et de publication du projet définitif de Constitution soumis au référendum, le 22 mars 2020). Etant, ainsi entendu que l’analyse des institutions n’est pas exclusive de l’intégration des considérations pratiques, revenons au sujet d’espèce.
Revenant ainsi à l’exigence de modération de l’incohérence, avant la décision de certains partis politiques de participer à l’élection présidentielle, la Constitution du 6 avril 2020 s’appliquait déjà (à partir du 14 avril) à toutes les personnes vivant en Guinée. Qu’il s’agisse de celles qui la reconnaissent ou de celles qui ne la reconnaissent pas. À la base, la non reconnaissance de la Constitution n’entrainerait son inopposabilité qu’à la condition que le rapport de pouvoirs ait été ‘‘équilibré’’ au point que le FNDC s’empare d’une partie du territoire échappant au contrôle du gouvernement, à la manière d’une faction rebelle. Tel était le sens de l’intérêt de la question dans un travail précédent en rapport avec l’hypothèse de l’inopposabilité du texte falsifié pour une partie des Guinéens qui ne le reconnaissaient pas.
Dans ces conditions, l’incohérence traduite par la participation à l’élection du 18 octobre est à modérer, AU PLAN STRICTEMENT JURIDIQUE. Car, LA CONSTITUTION DU 6 AVRIL 2020 N’A PAS COMMENCÉ À S’APPLIQUER AUX CITOYENS ET AUX PARTIS POLITIQUES MEMBRES DU FNDC À COMPTER DE LEUR DÉCISION DE PARTICIPATION À L’ÉLECTION DU 18 OCTOBRE. Elle a commencé à S’APPLIQUER À TOUT LE MONDE À COMPTER DE SA PUBLICATION AU JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE. En conséquence, l’incohérence politique est celle qui est difficilement justifiable. C’est-à-dire celle en lien avec la participation à l’élection dans des conditions d’opacité (fichier électoral, etc..) similaire à celle ayant partiellement prévalu au boycott de l’élection législative (couplée avec le référendum).
L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA NOUVELLE CONSTITUTION ET LA PARTICIPATION À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE NE REMETTENT PAS SUBSTANTIELLEMENT EN CAUSE LA LUTTE DU FNDC. SEULEMENT, elles entraînent un glissement sémantique dans la conception des objectifs du mouvement.
JEAN PAUL KOTEMBEDOUNO
ATTACHÉ TEMPORAIRE D’ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE À L’ECOLE DE DROIT DE LA SORBONNE
CITOYEN GUINEEN MEMBRE DE RIEN