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Thursday 21 November 2024

“J’ai été réduit en esclavage pendant 10 ans” : un diplomate burundais et son épouse condamnés en France

Méthode Sindayigaya, 39 ans, pesait 44 kg quand il avait été libéré par la police.

Gabriel Mpozagara, un ex-ministre du Burundi, et son épouse Candide ont été condamnés ce 21 octobre 2019 par le tribunal correctionnel de Nanterre à deux ans de prison avec sursis et 70 000 euros de dommages et intérêts pour avoir exploité pendant dix ans un compatriote à leur domicile de Ville-d’Avray, dans les Hauts-de-Seine. La procureure avait requis trois ans de prison dont deux avec sursis. 

“Je suis devant la justice parce que pendant 10 ans, j’ai été réduit en esclavage”, avait affirmé à la barre Méthode Sindayigaya, qui s’est dit aujourd’hui “très content” que la justice l’ait entendu.

Arrivé pour trois mois en France

En juillet 2018, un ouvrier venu réparer des fenêtres dans une demeure cossue de Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine), avait aperçu un homme “amaigri”, “sale”, en train de nettoyer le sol et en avait parlé à sa supérieure. Quelques jours plus tard, Méthode Sindayigaya était, selon ses mots, “libéré”. 

Cet ancien cultivateur du Burundi avait raconté à la barre du tribunal de Nanterre s’être vu proposer, en 2008, un travail au domicile d’un couple aisé dans la capitale burundaise, Bujumbura. Il avait accepté ensuite d’accompagner la famille en France : arrivé au départ pour trois mois, il y restera plus d’une décennie.

Journées interminables

“Je commençais le travail le matin à 6h et je me couchais à 1h”, décrit-il. Lessive, repassage, cuisine, ménage, jardinage, il devait aussi prendre soin d’un des fils handicapé du couple.

Avant de terminer une tâche, ils me donnaient une autre tâche à faire et quand je leur disais que c’était difficile, compliqué, ils me disaient qu’ils allaient appeler la policeMéthode Sindayigaya

Il dormait dans la buanderie de la villa, au sous-sol, près d’une chaudière sentant le gazoil, se lavait “au robinet, avec un seau”, mangeait ce qu’il restait “quand ils avaient fini”.

A la demande de la présidente “Pourquoi n’avez-vous pas quitté la maison ?”, il avait répondu : “Où est-ce que j’allais aller ? Je n’avais pas de passeport et j’avais toujours peur de la police.”  Méthode Sindayigaya a obtenu depuis, le statut de réfugié politique pour lui et sa famille venue le rejoindre du Burundi.

 “Serf de la maison” 

Ancien procureur, ministre de la Justice, puis de l’Economie du Burundi, Gabriel Mpozagara a rejoint la France en 1979, avant de travailler à l’Unesco. Aujourd’hui âgé de 77 ans, il comparaissait notamment pour “soumission à un travail forcé” et à des “conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité”.

Méthode vivait dans les mêmes conditions que nous, il mangeait comme nousGabriel Mpozagara, ex-ministre du Burundi

Début septembre, l’ancien ministre avait assuré n’avoir jamais pris le passeport de son employé et que c’est ce dernier qui l’avait égaré. Selon lui, il ne voulait pas quitter la France. “J’ai été victime de mon désir de protéger Méthode. Si j’avais été cynique, si je lui avais dit : ‘M. Sindayigaya, prenez vos cliques et vos claques’, je ne serais pas là aujourd’hui.”

Ce n’est pas un employé de maison ou même un domestique comme au XVIIe siècle, c’est le serf de la maison et l’esclave à tout faire !Nathalie Foy, procureure

Un homme sous influence

La procureure Nathalie Foy avait décrit un homme “sous emprise”, qui ne pesait que “44 kilos” au moment où il a été retrouvé et qui n’a été payé que 2300 euros en dix ans. “Quelle cruauté il faut avoir, quelle inhumanité il faut développer pour exploiter à ce point quelqu’un”, avait-elle dit, estimant que le prévenu, du fait de ses “positions éminentes”, ne pouvait ignorer la loi.

L’avocate de la défense, Me Dominique Naveau-Duschesne, a déclaré le 21 octobre : “On fera ce qu’il faut pour que la vérité éclate.”  Elle estime que ses clients vont “en toute hypothèse” faire appel.

Précédent

En 2007, le couple avait déjà comparu dans ce même tribunal, à Nanterre : ils avaient été condamnés, puis relaxés en appel, dans un dossier similaire, qui concernait deux jeunes nièces venues du Burundi. Ces dernières ont plaidé leur cause auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui a condamné la France en octobre 2012 pour avoir failli dans sa lutte contre le travail forcé. En 2013, le parlement français a introduit dans le code pénal le travail forcé, la réduction en servitude et la réduction en esclavage. La décision du tribunal sera rendue le 21 octobre 2019. 

SOURCE : FRANCETVINFO

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