DECLARATION
Le double scrutin législatif et constitutionnel du 22 Mars, suivi de l’élection présidentielle du 18 Octobre
2020 ont été émaillés d’incidents qui ont profondément affecté le tissu social. La Guinée en sort
meurtrie, déchirée et traumatisée.
Il ne fait aucun doute que notre pays fait aujourd’hui face à une crise politique et sociale sans précédent.
Cette crise prend une allure exponentielle aux conséquences imprévisibles.
C’est pour cette raison, du reste bien justifiée que la CNFHPG, conformément à ses convictions et à sa
vocation de promotrice de la paix, de la concorde et du vivre ensemble, a estimé utile, après de larges
concertations, de prendre ses responsabilités et répondre à une raison historique à travers la présente
Déclaration.
L’impact de cette crise touche certes toutes les composantes sociales de la nation. Mais il importe de
reconnaître en toute objectivité et sans démagogie que la communauté peulh est celle qui paye le plus
lourd tribut. Celui-ci a dépassé aujourd’hui le seuil du tolérable. Une rétrospective des violences qui
s’abattent sur cette communauté fait frémir mêmes les âmes réputées les moins sensibles :
-Sur les 260 morts par assassinat dénombrés à ce jour, les 95% au moins sont des peulhs;
-Plusieurs centaines de jeunes peulhs, dont des adolescents arrêtés souvent à domicile ou kidnappés la
nuit, croupissent dans les prisons dans des conditions indescriptibles;
-Des dizaines de blessés, dont la majorité par balle, sont encore dans les hôpitaux;
-Les forces de sécurité entrent par effraction dans les domiciles privés, cassent les magasins de vente,
renversent des marmites, détruisent des véhicules et des motos (ou s’en accaparent), des télévisions,
défoncent des armoires, violent des femmes et des filles, emportent argent et bijoux, ordinateurs,
téléphones, habits, riz, sucre, huile etc…;
-Depuis 2010, plus de 1000 opérateurs économiques, notamment des commerçants, ont subi des pertes
par destruction et incendie de leurs magasins dépassant 200 milliards de francs guinéens. Ils n’ont
jamais été indemnisés, malgré l’engagement prisnpar l’État guinéen;
-Les éleveurs continuent à égrener la perte de centaines de leurs troupeaux par braquage ou massacre,
notamment en Haute Guinée et en Guinée forestière dans une atmosphère de désintérêt total de l’Etat;
-Les boulangers, souvent victimes d’attaques dans la zone de Conakry et ses environs, travaillent dans
des conditions d’insécurité totale en dépit des appels lancés par leur syndicat;
-Des opérateurs économiques voient leurs contrats résiliés et leurs baux annulés sans possibilités de
recours;
-Des domiciles de nos sages et personnalités religieuses de référence ont été arrosés de gaz
lacrymogène ;
-L’incarcération de figures majeures de l’Opposition et de la Société Civile exacerbe la polarisation et la
persécution;
-Les frontières entre la Guinée et les pays voisins dont le Sénégal, la Guinée Bissau et la Sierra Leone
restent toujours fermées; ceci impacte négativement le secteur du transport et l’économie dans son
ensemble.
L’impasse actuelle constitue une vive préoccupation pour la CNFHPG. L’on ne doit pas tuer, arrêter,
harceler, détruire les biens pour des raisons liées à des convictions politiques ou à une appartenance
ethnique. Le caractère communautaire de la dernière campagne électorale a déteint négativement sur
les principes d’équité et de démocratie. La CNFHPG et le citoyen tout court auraient souhaité avoir une
autre image de la Guinée.
Aussi impore-t-il de préciser que c’est moins une victimisation, encore moins la peur des mains
assassines ou de cette situation de déliquescence et de terreur, qu’un un cri de coeur. Il s’agit d’un
appel, mieux, d’un rappel afin de prendre l’opinion nationale et internationale à témoin sur les
conséquences de la dérive actuelle. A ce jour, aucun des bourreaux et autres coupables n’ont été
interpelés.
La CNFHPG déplore et condamne l’assassinat récent d’un policier à Wanidara (Ratoma). Toutefois
importe-t-il de souligner que toutes les victimes, civils ou agents de défense et de securite, ont droit à la
justice. L’on doit s’émouvoir pour tous les morts.
La CNFPG invite le Gouvernement à plus de retenue. Le culte de l’impunité prédispose à la dictature et à
l’arbitraire. L’unité nationale passe par la réconciliation. La réconciliation nécessite le pardon. Mais il n’y
aura pas de pardon si l’on occulte la vérité et la justice. Il faut que les guinéens refusent de se laisser
manipuler et osent se débarrasser de l’hypocrisie et de la culpabilité.
Dans un État de droit, la justice est indépendante, impersonnelle et égale pour tous. Et il n’y a pas de
nation forte sans unité nationale réellement exprimée.
La CNFHPG lance un appel solennel au Président de la République, a plus de magnanimité et de retenue
face à cette descente aux enfers, en autorisant :
- La libération sans condition des personnalités politiques de l’opposition et de la Société Civile ainsi que
les citoyens arrêtés à l’effet des dernières élections ;
-L’assistance aux blessés et le dédommagement des victimes de destructions ou de perte de leurs biens;
-Le réexamen des baux annulés et contrats résiliés au détriment des opérateurs économiques;
-L’organisation de larges concertations pour le retour de la paix, gage d’unité et d’entente.
En définitive et dans tous les cas, devant l’histoire et les hommes, chacun sera comptable de ses actes.
Les guinéens doivent s’accepter, se pardonner et faire l’effort nécessaire pour se débarrasser de
l’ethnocentrisme et du repli identitaire pour se donner la main avec franchise afin de sortir de cette
situation tragique et bâtir une Guinée unie et prospère dans l’équité. - La CNFHGP figurera, inch Allah, au
premier rang parmi les bâtisseurs de cette Guinée-là. - Puisse la Guinée, notre patrie, sortir enfin de l’ornière par un effort conjugué de toutes ses filles et de
tous ses fils, sous l’égide et la clairvoyance du tout puissant Allah, le très miséricordieux.
AMEN !
Conakry, le 8 Décembre 2020
Le Président
Elhadj Ousmane Fatako Baldé