Le délestage incessant sur les réseaux électriques est devenu un casse-tête exacerbant les conditions de vie socio-économique déjà précaires du guinéen.
Je pense que le secteur de l’électricité mérite un diagnostic pertinent pour ne plus jamais se tromper de remèdes.
Malgré les potentialités hydroélectriques estimées à 6000 MW, le cadre réglementaire et législatif, des politiques et stratégies sectorielles élaborées avec l’aide de consultants spécialisés et sous l’égide de partenaires techniques et financiers internationaux, la Guinée peine à desservir toute sa population en courant électrique.
Les problèmes électriques de la Guinée sont connus :
1. un faible taux d’électrification (18% dont 46% dans la zone urbaine et 33% dans la zone rurale), très inférieur à la moyenne sous régionale ouest-africaine qui est de 52%;
2. un déséquilibre prononcé entre l’offre et la demande;
3. un réseau de distribution vétuste;
4. une insuffisance des infrastructures électriques;
5. un système de gouvernance défaillant;
6. un manque de formation du personnel technique et commercial;
7. et d’un déficit criant d’investissement malgré l’allocation des 25% du budget au secteur.
Le déficit de production électrique est alors important, notamment au niveau du réseau principal du pays qui dessert Conakry et les régions de l’ouest. Ce dernier ne distribue que 712 465 MWh par an, pour un besoin estimé à 1 320 955 MWh, soit près du double. Cela est sans compter le niveau de pertes observé lors de la distribution : seule 57 % de lélectricité produite parvient finalement au consommateur.
Le système électrique guinéen est composé de :
1. Deux systèmes interconnectés qui desservent la plus forte concentration d’usagers et s’étend de Conakry à Dinguiraye en passant par Labé, Faranah et Dabola. Ils sont alimentés par 8 centrales hydroélectriques (souapiti, Kaleta, Garafiri, Grandes chutes, Donkea, Banéa, Kinkon et Tinkisso) et 7 centrales thermiques (K-Energie, Kaloum au nombre de 4, Kipé et Faranah) d’une potentialité totale d’environ 1 029,4MW.
2. Onze centres isolés desservant 11 villes de l’ouest et de l’Est du pays alimentés par des groupes diesel développant 10,14MW au total, et deux pico-centrales hydrauliques (0.32MW) sensés alimentés les villes de Télémélé et de Macenta.
La quasi-totalité de ces puissances installées est aujourd’hui est hors de service.
Dans ce contexte de décrépitude, comment envisager l’industrialisation et l’émergence du pays si l’on ne pose pas un diagnostic sérieux et pertinent ?
D’après nos enquêtes, analyses et moult réflexions, il ressort deux facteurs causaux qui n’ont pas été tendres avec la fourniture d’électricité en Guinée :
1. Volonté politique : par ignorance ou par manque de patriotisme, on peut tout de même affirmer sans risque de se tromper que les décideurs politiques se sont longtemps trompés de priorités en privant ce secteur d’investissements importants.
2. La planification : le pays a également manqué de projets et de programmes allant dans le sens de la production, du transport et de la distribution de l’électricité.
Avec une volonté politique affirmée suivie d’une gestion rigoureuse, la Guinée peut arriver à bout de ces problèmes et améliorer considérablement la desserte en électricité.
À court terme, il faut envisager un plan de redressement du secteur, par des investissements publics (35% du budget national) et privés nationaux en infrastructures de production, de transport et de distribution de l’électricité, car le mauvais état des centrales hydroélectriques a un impact direct sur l’ampleur des délestages observables sur le réseau et contribue à accroître le taux de participation des centrales thermiques déjà en souffrance.
La réhabilitation des centrales thermiques, des réseaux et branchements défectueux, et le redressement commercial d’EDG à travers l’identification et la gestion clientèle en rendant obligatoire les compteurs prépayés permettront de lutter contre la fraude et le manque de formation du personnel.
Le réseau de distribution doit être réhabilité et densifié, et parallèlement les mesures doivent être prises pour réduire la fraude et les raccordements de fortunes ou clandestins et illégaux, et normaliser la relation client afin de redresser la performance d’EDG
Il faut également mettre en avant le potentiel diplomatique du gouvernement auprès des partenaires étrangers et des multinationales étrangères évoluant dans le domaine minier pour disposer de centrales électriques ne serait-ce que temporaire.
L’autre opportunité à saisir à court terme est l’autonomisation de tous les bâtiments publics (Hôpitaux, Écoles, Universités, Prisons, bâtiments administratifs, …). C’est à dire équiper les toitures de ces bâtiments de panneaux solaires photovoltaïques qui fonctionnent à priori de 8h à 18h et qui respectent le cycle solaire. On pourrait finalement déconnecter ces bâtiments publics du réseau et réalouer cette énergie dans les ménages ou dans les industries.
Intégration énergétique régionale est aussi une opportunité de développement d’un marché électrique commun à travers des lignes de transmission transnationales qui pourraient fournir des débouchés à l’import pour satisfaire la demande croissante des guinéens en électricité. Cela pourrait être exploité et facilité par l’uniformisation des cadres réglementaires et légaux en-cours à travers le continent.
Remédier aux problèmes à long terme revient au premier abord à exploiter le potentiel hydroélectrique dans le cadre du partenariat public privé national essentiellement, en révisant le cadre légal de manière à permettre l’implication du secteur privé national dans l’investissement et dans la gestion.
Nous devons faire face de manière progressive à des grands projets hydroélectriques identifiés à travers tout le pays :
Amaria sur le fleuve Konkouré en Basse Guinée (300 MW); Gozoguezia sur le fleuve Diani en Guinée forestière (48 MW); Nongoa en Guinée forestière (8 MW); Morisanako sur le fleuve Sankarani en Haute Guinée (100 MW); Fomi sur le fleuve Niandan en haute Guinée (102 MW); Koukoutamba sur le Bafing en Basse Guinée (888 MW); Kogbedou en haute Guinée (14 MW); NZebela en Guinée forestière (48 MW); Guildé en basse Guinée (50 MW); la liste n’est pas exhaustive.
Aussi, il faut des investissements significatifs dans de nouvelles centrales et dans la réhabilitation des centrales existantes. La réforme institutionnelle de l’EDG doit être continuelle.
Par ailleurs, la Guinée est naturellement dotée pour penser au mix-énergétique : avec un taux d’ensoleillement de 4,8 Kwhm²/jour, un gisement éolien (vitesse moyenne de vent de 3 m/s) et une forte potentialité biomasse, le pays pourrait miser sur une électricité verte et faire passer son taux d’électrification de 18% à 80% en l’espace de 10 ans.
J’ai abordé cette problématique d’électrification de la Guinée en partant des informations issues d’EDG d’une part et des analyses d’experts nationaux et internationaux en lien avec la vision globale du parti « Upag-les-patriotes ».
Cette problématique est si réelle qu’elle mérite l’attention opportune de tous les patriotes soucieux de l’amélioration des conditions de vie du guinéen, car depuis plus d’une décennie, la Guinée n’a jamais été aussi confrontée à une telle pénurie d’électricité.
Sans vouloir montrer comment faut-il nager, cette tribune se veut un outil de renforcement de ce qui est déjà en cours pour davantage soulager la souffrance de la population qui est le centre d’interêt de toutes les réformes.
Courage et confiance en l’avenir énergétique de la Guinée.
La Guinée aux guinéens / Upag-les-patriotes
Cheick Oumar Traoré / reotracheick@gmail.com