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Thursday 21 November 2024

Dr Oumar Sivory Doumbouya, Enseignant, Ecrivain: “… J’aime mon pays et aimerait y consacrer une bonne partie sinon le reste de ma vie.”(Interview)

LOLAPLUS: Pouvez vous nous parler de votre parcours académique ?

Livre : la situation sociale des femmes en Guinee

C’est en juin 2007 que je fus proclamé docteur en sociologie et sciences sociales de l’Université de Toulouse 2 – le Mirail. C’est au sein de cette même institution que j’avais préalablement obtenu le diplôme d’études approfondies en sociologie (DEA). C’est l’équivalent du bac+5, on l’appelle aujourd’hui le Master 2 Recherche qui m’avait alors ouvert la voie au doctorat. Bien avant ces derniers et très hauts diplômes, j’avais obtenu un diplôme d’études universitaires générales (DEUG, 1998), une licence (1999) et une maîtrise de sociologie (2000) à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry.
Le thème de mon mémoire de maîtrise soutenu en 2001 était Femmes et intégration sociale en Guinée. Dans ce travail, j’avais mené une enquête sociologique sur 4 catégories de femmes à savoir : les filles-mères, les vendeuses du marché Avaria, les jeunes femmes des ménages pauvres et les prostituées. Ce travail avait été réalisé sous la direction de M. Younoussa Camara et avait été sanctionné par la mention « Excellent ».
Pour le DEA soutenu en septembre 2002, le thème fut Les femmes de Guinée comme clé analytique permettant de réinterroger les problèmes d’intégration sociale et le rapport au politique. Il fut sanctionné par la mention « Bien » et fut réalisé sous la direction de Mme Angelina Peralva, Professeure des universités.
L’intitulé de la thèse de doctorat de sociologie était Changement culturel et développement social : la nouvelle place des femmes en Guinée. Ce travail fut, quant à lui, réalisé sous la codirection de Mme Angelina Peralva (Université de Toulouse 2 le Mirail) et de M. Jean-François Baré (université de Bordeaux et de Paris), tous deux professeurs des universités. Cette thèse fut sanctionnée par la mention « Très honorable à l’unanimité des membres du jury » et fut publiée du fait de sa bonne facture en fin 2007 par l’Atelier national de reproduction des thèses à Lille (ANRT), en France.

LOLAPLUS: Ainsi donc vous êtes Docteur en Sociologie. Parlez-nous de votre parcours professionnel.

Roman: Une vie de Femme.

Dès l’obtention de mon doctorat de sociologie en 2007, je me suis préparé à rentrer servir mon pays notamment à l’université Général Lansana Conté de Sonfonia-Conakry. Dès l’année universitaire 2008-2009, j’avais posé mes valises à conakry pour enseigner les théories sociologiques du genre et les théories sociologiques du développement en direction des étudiant-e-s inscrit-e-s en Bac+2 en tant qu’enseignant vacataire. A l’issue de cette année universitaire et n’ayant pas été intégré à la fonction publique guinéenne comme promis, je m’étais vu dans l’obligation d’aller continuer ma formation postdoctorale à nouveau en France au lieu de m’emprisonner dans la galère qui naissait à mon niveau à Conakry. Y vivre sans salaire devenait quasi impossible voire suicidaire. C’est ainsi que je partis pour la France où je suis chercheur associé dans le Laboratoire Interdisciplinaire Sociétés, Solidarités Territoires – Centre d’études des rationalités et des savoirs (LISST – Cers) et parallèlement chargé de cours au département de sociologie de 2009 à nos jours. J’ai néanmoins fait une question d’honneur de revenir presque chaque année donner un semestre de cours soit à l’université de Sonfonia, de Kindia pour les universités publiques, Kofi Annan et Mahatma Gandhi pour les universités privées.

LOLAPLUS: Je vois que vous avez écris des ouvrages. Pouvez-vous nous donnez une brève description de ces livres et vous appesantir sur celui qui vous tiens le plus au cœur et pourquoi ?

A ce jour, je suis auteur de 9 ouvrages dont 2 pour lesquels j’ai assuré la direction avec des ami-e-s. J’ai aussi préfacé 4 ouvrages de jeunes écrivains….
Mon premier ouvrage fut ma thèse de doctorat de sociologie qui fut publiée en 2007 par l’Atelier national de reproduction des thèses à Lille. Il compte 407 pages et se vend à 39,90 euros. Son intitulé est resté tel qu’indiqué plus haut.
Mon second ouvrage s’intitule La situation sociale des femmes en Guinée compte 237 pages et est publié en 2008 chez les éditions L’Harmattan à Paris.
Le 3ème ouvrage Les ONG féminines en Guinée est également publié en 2008 chez L’Harmattan à Paris. Il compte 257 pages.
Le 4ème ouvrage est un roman-témoignage de mon retour en Guinée d’après thèse et s’intitule Chronique d’un retour en Guinée. Il est publié en 2009 et compte 148 pages, toujours aux éditions L’Harmattan à Paris.
Le 5ème ouvrage est un roman dont le titre est Une vie de femme publié en 2016 toujours chez l’Harmattan mais cette fois-ci chez L’Harmattan-Guinée.
Le 6ème ouvrage fut rédigé à l’occasion de Conakry, capitale mondiale du livre en 2017. Nous avions alors réuni 24 auteurs de 6 différents pays pour écrire un ouvrage collectif intitulé Embarquement pour Conakry, capitale mondiale du livre, chez L’Harmattan-Guinée.
Le 7ème et le 8ème ouvrage constituent des recueils de poésie intitulés pour le premier Les fleurs de l’exil et pour le second Mes identités remarquables. Cette fois-ci publiés chez Les Impliqués éditeurs.
Le dernier ouvrage constitue également un ouvrage collectif comme pour le sixième ouvrage. Il fut rédigé par 29 auteurs et préfacé par le professeur Djibril Tamsir Niane. Il s’agit d’un livre rédigé sous la direction de Fatoumata Sano, de Jean Célestin Edjangué et de moi-même. Il fut publié en mars 2019 et dédicacé lors des 72 heures de Conakry. Il s’intitule Conakry, terre africaine du livre et est fait dans la perspective de faire de Conakry, la capitale africaine du livre comme Bamako est la capitale de la photo, Ouagadougou pour le cinéma, Dakar pour l’art contemporain, etc. Il a été publié chez L’Harmattan-Guinée.
Pour dire la vérité, je n’ai de préférence pour aucun de mes ouvrages car chacun raconte une histoire, sa propre histoire. C’est comme si on me demandait de choisir mon préféré parmi mes enfants. Ce serait impossible. Aux lecteurs et aux lectrices de s’acquitter de cette lourde et impérieuse tache.

LOLAPLUS: Vous êtes chargé de cours au département de sociologie à l’Université Jean Jaurès de Toulouse là-bas en France. Actuellement vous êtes à Conakry et donnez également des cours à l’université de Sonfonia. Expliquez-nous pourquoi vous avez décidé de venir enseigner ici alors que plusieurs résidant à l’étranger ayant votre niveau académique préfèrent simplement prendre des vacances.

Chronique d’un retour en Guinée

Bien que j’aie encore mon épouse et mes quatre garçons en France, j’ai décidé de rentrer définitivement en Guinée. Il s’agit d’une décision personnelle qui a été prise avec la bénédiction et en complicité avec mon épouse. Ce choix est fait parce que tout d’abord je suis un patriote. J’aime mon pays et aimerait y consacrer une bonne partie sinon le reste de ma vie. Il faut dire que je suis fonctionnaire et en service à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia. Les va-et-vient m’allaient un certain temps, à présent j’y mets un terme avec l’espoir que cette fois-ci sera la meilleure.
Celles et ceux qui ne viennent pas contribuer à la construction de l’édifice national ont une bonne raison pour cela. Je ne veux juger personne. Le moment venu, ils joueront, j’espère, leur partition en âme et en conscience. Pour ma part, je crois que notre nation est à un tournant décisif de son évolution. La participation de chacun et de tous devient sacerdotale.

LOLAPLUS: Au fait Dr Doumbouya, quelle matière enseignez-vous à Sonfonia et pour quelles classes ? Très succinctement comment cette matière va aider vos étudiants dans leur vie professionnelle future ?

Les matières enseignées dans les différentes universités guinéennes en dehors de ce que j’ai déjà citées plus haut sont : la sociologie politique pour les étudiant-e-s de licence 3 à l’Université Mahatma Gandhi ; la sociologie du travail à l’Université de kindia pour les étudiant-e-s de licence 3 sociologie et licence 3 administration des affaires ; la sociologie de la famille (licence 3 sociologie) et la sociologie du développement (master 1 sociologie) à l’Université Kofi Annan. La sociologie de la famille (licence 3 sociologie) et la recherche qualitative en sociologie en direction des étudiant-e-s inscrit-e-s en master 2 de socio-anthropologie de la santé à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia.
Toutes ces matières et disciplines sont importantes pour la compréhension de la société par nos jeunes esprits. Comprendre et analyser les faits sociaux dans les différents domaines de la vie est très important.
La sociologie du travail que j’ai enseignée à l’Université de Kindia dans le cadre du programme Tokten en 2018 permit aux étudiant-e-s de faire des enquêtes concernant les sociétés de la place leur permettant de bénéficier de leur première immersion professionnelle. Ils descendirent sur le terrain et recueillirent des données aussi bien qualitative que quantitative sur le fonctionnement d’entreprises, d’associations et d’ONG susceptibles de les employer à la fin de leur cursus universitaire.

LOLAPLUS: Quelles différences matérielles et immatérielles fondamentales voyez-vous entre vos étudiants de Toulouse et ceux de Sonfonia ?

Entre mes étudiant-e-s de Toulouse et ceux de Guinée se trouve un gap énorme en défaveur de celles et ceux de Conakry. Il n’y a jamais de coupure de courant ni dans les facs ni dans les résidences. Chose qui est une denrée rare à conakry. En ce qui concerne l’internet, les étudiant-e-s de Toulouse surfent déjà sur la 5G et les bibliothèques sont fournies et ouvertes des heures et des heures. Elles ne désemplissent pas. Le système LMD fut bien préparé et mis en place en France alors qu’il laisse à désirer en Guinée où il n’y a que la licence qui fonctionne « normalement ».
La fac où j’enseigne a été complètement renouvelée et l’infrastructure est futuriste. Une fac ultramoderne. Ce qui est loin d’être le cas pour Sonfonia et c’est pire dans les autres universités de Guinée. Que nos dirigeants ne sachent pas diriger leur priorité sur ce qui est nécessaire fait toute la différence. C’est un gâchis total…

LOLAPLUS: Dr Doumbouya, quels sont vos projets éducatifs pour notre pays, la Guinée?

C’est lors de mon précédent voyage en Guinée entre octobre 2017 et janvier 2018 que je fis un constat suite à une enquête sociologique que j’avais menée avec un collègue universitaire, Prof. Aly Tandian, de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal. Un des enseignements de cette étude fut que les jeunes guinéens détenteurs d’un métier tels que la maçonnerie, la peinture, la chaudronnerie, la mécanique, la menuiserie, l’électricité, etc. ne sortaient pas du pays comme les autres catégories de jeunes. Ils restaient dans le pays et y mènent leurs activités professionnelles pour la plupart d’entre eux. C’est pourquoi dès que je suis retourné à Toulouse pour y donner mes cours de second semestre et que j’ai trouvé la fac en grève, je me suis tourné vers l’Agence de formation professionnelle pour adultes (AFPA) et y a appris durant 6 mois la menuiserie aluminium. A présent, je compte ouvrir en Guinée, un institut des métiers du bâtiment afin de former le plus de jeunes possibles aux différentes techniques de construction de bâtiments, ponts, et autres. Assez d’universitaires bon à chômer ou à s’adonner à l’immigration clandestine

Dr Doumbouya avec ses étudiants de l’université de Kindia.

LOLAPLUS : En conclusion en tant qu’enseignant, quels conseils souhaiteriez-vous donner à l’étudiant guinéen ?

L’étudiant guinéen devra savoir se remettre en question. Oser se convaincre qu’il n’est plus le seul sur le marché de l’emploi qui est désormais un marché néolibéral et planétaire. C’est la qualité intrinsèque du postulant qui compte, son expérience et sa personnalité. Le monde devient de plus en plus rude et donc sans pitié. Il faudra donc comme le suggérait le célèbre savant sénégalais Cheikh Anta Diop, il y a quelques années maintenant, s’armer de connaissances et de savoir jusqu’aux dents pour réussir à déjouer les fourches caudines de la mondialisation

Lolaplus: Nous vous remercions

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1 COMMENTAIRE

  1. Mon cher ami tu as toujours été très brillant je garde encore de bons souvenirs de toi de notre dernier exposé sur la ”peste” d’Albert Camus dont toi, Oumy Kadia Camara et moi même.
    Bonne chance à tous

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