Jusque-là, un seul parlementaire originaire d’Afrique, un homme, siégeait dans l’Assemblée à Lisbonne.
Trois femmes d’origine africaine, engagées dans la lutte contre le racisme et les inégalités, ont, pour la première fois, pris leurs fonctions au Parlement le 25 octobre 2019 avec le reste des députés portugais, élus le 6 octobre. Avant l’élection de cette nouvelle assemblée, Helder Amaral était le seul député d’origine africaine qu’ait compté le Portugal depuis l’avènement de la démocratie en 1974. Il a siégé de 2002 à 2019 dans les rangs des conservateurs du CDS-PP.
Le nouveau parlement est issu des législatives remportées par le Premier ministre socialiste sortant Antonio Costa. Avec 108 sièges sur les 230 de l’Assemblée nationale, celui-ci n’a pas la majorité absolue. Les trois nouvelles députées, toutes originaires de Guinée-Bissau, une ancienne colonie portugaise d’Afrique de l’Ouest particulièrement pauvre, font partie d’un contingent sans précédent de 89 députés femmes. Un résultat qui s’approche ainsi du quota de 40% fixé par une nouvelle loi.
Le Portugal compte d’importantes minorités issues de ses anciennes colonies africaines (Angola, Mozambique, Sao Tome et Principe, Guinée-Bissau, Cap-Vert, pays ayant acquis leur indépendance après la chute de la dictature en 1974), et américaine (Brésil).
Malgré des progrès ces dernières années, les défenseurs des droits de l’Homme dénoncent des problèmes de discrimination raciale dans l’éducation, l’accès au logement et au marché de l’emploi, dans la justice. Ils s’en prennent aussi à la sous-représentation des Noirs dans les milieux des affaires, des médias et de la politique.
En 2015, après son arrivée à la tête du gouvernement, Antonio Costa, lui-même d’origine indienne, avait nommé Francisca Van Dunem au poste de ministre de la Justice, devenue ainsi la première femme noire dans un gouvernement au Portugal. Cette magistrate, née en Angola, a été reconduite dans le nouveau gouvernement de M. Costa qui a pris ses fonctions le 26 octobre.
“Les gens comme moi sont toujours en lutte”
Joacine Katar Moreira, 37 ans, est la plus connue des trois députées d’origine guinéenne. Cette militante antiraciste, qui a quitté la Guinée-Bissau à l’âge de huit ans, est la seule élue du parti Livre (Libre). Cette formation écologiste fait son entrée pour la première fois dans l’hémicycle.
Romualda Fernandes, juriste spécialisée dans le droit international des migrants, âgée de 65 ans, est une élue socialiste. Tandis que Beatriz Gomes Dias, 48 ans, présidente de l’association antiraciste Djass regroupant des descendants d’Africains, s’est présentée sous l’étiquette du Bloc de Gauche (gauche radicale).
En 2018, Djass avait relancé le débat sur le passé colonial portugais. L’association avait alors proposé la création d’un mémorial rendant hommage aux millions d’esclaves africains arrachés par les navires portugais à l’Afrique et déportés vers l’Amérique.
Après son élection, Joacine Katar Moreira, qui a obtenu la nationalité portugaise en 2003, a annoncé qu’elle serait la porte-parole au Parlement de “la lutte contre le racisme” et du “féminisme radical de gauche”. Depuis, une pétition en ligne a réuni des milliers de signatures afin de l’empêcher de prendre ses fonctions. Motif : le soir de son élection, des militants de son parti avaient agité le drapeau de Guinée-Bissau au lieu de celui du Portugal. “Les gens comme moi sont toujours en lutte”, avait-t-elle répondu dans un tweet.
SOURCE : FRANCETVINFO