Tenu par la confidentialité je ne peux vous expliquer tout mais les images des corps que je vois partout me poussent à vous faire ce témoignage.
Entre 2016 2018 j’ai eu à travailler sur les questions de l’immigration et de leurs insertions socio-professionnelles sur le territoire français.
J’ai écouté et traité des récits bouleversants, des jeunes arrivent complètement détruits, je pèse mes mots quand je dis détruit, vous ne pouvez imaginer (raquette, esclavage, viols pour les survivants, filles et garçons) et se reconstruire relève d’un défi, parce qu’arrivé en France c’est aussi une autre lutte.
Pour les chanceux (ceux qui arrivent à bénéficier de la protection statut de mineur), c’est très difficile ; entassés dans des hôtels, souvent maltraités, les privilèges de plus en plus réduits, ne peuvent travailler et les vas et vient devant les tribunaux, pour suivre les procédures. Ils doivent signer rapidement un contrat d’apprentissage avant la majorité au risque de se retrouver sans prise en charge de L’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) et donc sans papiers.
Derrière cet écran d’immigré se cachent beaucoup de difficultés.
Pour d’autres (demandeurs d’asile, les choses ne sont plus les mêmes qu’il y’a 10 ou 15 ans), la procédure devient de plus en plus accélérée, et les expulsions suivent.
Et d’autres deviennent carrément des mendiants, la honte du retour finira par les caser dans la folie, la mort.
On ne cessera jamais de le dire, quitter l’Afrique oui, mais choisissez le chemin conforme s’il vous plaît.
Les raisons de cette aventure kamikaze vers le bengué sont des fois surréalistes voire même compréhensibles oui compréhensibles… Lorsque que l’on se resigne à dire “je préfère mourir sur la route, que de rester et vivre mes conditions“
Je suis partagé sur la situation des responsabilités, accuser l’état ? accuser la diaspora ? accuser les familles ? accuser les victimes ?
Je ne peux terminer sans dire quelques mots aux gouvernants, n’attendez pas les institutions internationales pour engager des mesures, sauvez ces vies, nous avons tout pour ne pas rêver d’ailleurs.
Je voulais vous dire cela ce matin, ici c’est une autre vie, c’est loin des photos que les diaspo vous montrent en costume, fringues de marques ou autres lieux touristiques pour vous montrer qu’on vit bien, lorsqu’on vit bien, on n’a nullement besoin de s’exhiber… n’ayez pas ce complexe, je connais beaucoup qui ont fait tout le parcours scolaire et universitaire en Guinée et qui ont trouvé du travail et parfois mieux que les diaspo, c’est difficile mais c’est pas impossible…
Ne mourrez pas comme ça, s’il vous plaît, mettez cette ambition, ce courage, cette motivation dans un petit métier (la terre par exemple)
Auteur : Dan-Daniel Lama