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Conflits ethno-politiques à Nzérékoré : Et si on revisitait le PACTE de MISSADOU (BEYLA) scellé entre konia, Kpèlè, Loma et Mano en 1694?

By Sincéry ON 21 JUIN, 2019 | 14 H 25 MIN

Lu pour vous sur https://sinceryguinee.info

Nous partons d’un postulat de base  qui met en exergue une évidence élémentaire selon laquelle: “Quand les peuples oublient d’où ils viennent, les toxines qui stimulent les conflits et les guerres trouvent un terreau fertile pour le déclenchement de toutes sortes d’atrocités aux effets multiplicateurs négatifs sur le développement”.

En effet, comment peut-on expliquer qu’en moins de deux décennies, la région forestière qui symbolisait la prospérité de la Guinée soit devenue depuis 2012, la Région la plus pauvre du pays avec un taux d’incidence de pauvreté de 66,9% dépassant largement la moyenne nationale   53% selon l’ELEP 2012?

Au cœur de la certitude, indiscutablement la récurrence des conflits et particulièrement ceux intercommunautaires inutiles qui mettent simplement en exergue la méconnaissance par les générations actuelles de l’histoire riche des processus qui ont fondé la cohabitation pacifique et la parenté des communautés qui se livrent des guerres fratricides au mépris des mesures ancestrales.

A Zaly, il y’a également à ne pas négliger, d’autres problèmes d’ordre sociopolitique et historique que les temps présents ont engendré et qui fertilisent le champ des conflits intercommunautaires notamment les questions d’identités religieuses, d’appartenance idéologique et politique, d’occupation territoriale sur fond de manipulation des communautés par une certaine élite à la solde des autorités.

Mais qu’à cela ne tienne, le cas spécifique de Nzérékoré est illustratif d’un cadre de vie exceptionnel où des communautés historiquement apparentées se sont à plusieurs reprises affrontées pour des raisons quelques fois banales qui n’en valaient pas la peine.

A l’intention de ses habitants actuels principalement Guerzés et Konia élargies aux Loma et Mano, j’ai jugé nécessaire d’ouvrir une page glorieuse de l’histoire vraie de la cohabitation pacifique entre Les Kpèlè, les Konia et les Loma. Il s’agit du pacte de MISSADOU.

En effet, ce pacte représente historiquement une forte alliance de fidélité, de fraternité et de bonne collaboration, le pacte de Missadou a été conclu entre Konia, Kpèlè, Loma et Manon vers les années 1694 sur la colline de Djonfa Tintin à Missadou, Préfecture de Beyla.

En substance, voici la présentation de cet historique pacte en quelques séquences illustratives :

Historique du pacte: Fondation de TOUMANDOU et de MISSADOU

Au déclin de l’Empire du Mali, certains groupes ethniques et claniques prirent le chemin du sud. Toumani Kourouma fonda Toumandou sur le plateau de Simandou vers 1640. Toumani a reçu par ordre d’arrivée, Foromo Doré chef du clan des Manon, Zogo Missa Chef du clan des Kpèlè et Akoi le chef du clan des Loghoma.

Missadougou a été créé par Missa, le chef du clan des Guerzés vers 1680, quatre-vingt-dix ans avant la fondation de la ville de Kankan. Missa aimait faire la pêche le long de la rivière Dion.

Non loin du village, à l’est, dans la rivière Dion, Missa aimait prendre son bain sur un rocher duquel sortait un filet d’eau. En langue Kpèlè l’eau qui sort du rocher s’appelle « kwèni ya » qui par déformation se dit souvent « koni ya ». On donna à toute la région autour de Missadougou le nom de « Konya », en souvenir de ce lieu de baignade de Zowo Missa, compte tenu de sa forte personnalité. Ainsi, de nos jours encore toute la Préfecture de Beyla est appelée le Konya. Et les habitants, Konyaka : habitants de Konya ou du territoire des rochers, en kpèlè.

Alliance entre les communautés LOMA et GUERZE

Lorsque le chef du clan des Loma appelé Akoi dont le nom ne nous a pas encore été révélé, est arrivé à Toumadou, il n’était pas encore marié. Il souhaita épouser une fille de son hôte Toumani. Mais celui-ci n’avait pas une fille disponible en âge de se marier. Il demanda alors à Zowo-Missa la main d’une de ses filles pour une union avec « son étranger » (celui qui est accueilli et parrainé au village) qui était travailleur mais célibataire. Missa accepta la proposition de Toumani et le mariage fut célébré entre le chef des Lomas et la fille de Zowo-Missa.

Depuis lors, les Lomas sont devenus les neveux des guerzés et les deux groupes ethniques se reconnaissent comme alliés et vivent comme tels.

Le pacte entre les communautés KONIAN, GUERZE, LOMA et MANO

Après leur installation, les quatre chefs de ces communautés : Toumani, Foromo, Missa et Akoi décidèrent de faire un pacte : une alliance de fidélité, de fraternité et de bonne collaboration qui s’appliquerait à eux et à leurs descendances. A cette époque, l’animisme dominait.

Les quatre hommes prirent un canari (vase en poterie servant à cuire et à conserver les aliments) et le remplirent de sable. Ils creusèrent un trou et y déposèrent le canari. Au jour convenu pour la prestation de serment, Toumani demanda à chacun de ses confrères de venir avec son fétiche. Outre ses fétiches, Toumani lui-même vint avec une aiguille et un morceau d’étoffe. Ils s’assirent ensuite à même le sol et entourèrent le canari.

Chacun d’eux déposa dans le canari son fétiche. Avant de prêter serment, Toumani intervint et exprima son intention d’illustrer l’acte par une image forte qui marquerait les esprits.

 Le symbole du pacte

« Si nous restons soudés de la manière dont le coton a été filé, aucun mal ne pourra nous atteindre. Soyons et demeurons soudés. Mais si nous nous dispersons et si nous sommes désunis, tout peut alors nous arriver. »

Toumani prit l’aiguille et essaya de faire entrer le morceau d’étoffe dans le trou de l’aiguille. Il n’y parvint pas, bien sûr. Après de vains efforts, il invita ses compagnons au même exercice ; mais hélas, aucun n’y parvint, tous échouèrent. Toumani prit alors l’étoffe, il la fila et réussit enfin à l’introduire avec aisance dans le trou de l’aiguille. Il donna ensuite l’aiguille et le fil de coton à ses compagnons qui réussirent à leur tour la manœuvre. Toumani déclara :

Après cette déclaration, chacun d’eux prêta le serment de fidélité, de fraternité, de respect de l’autre, de pardon et de tolérance et surtout d’obéissance.

Des années après, Missa décida de descendre vers le sud. Au jour de son départ, il fut accompagné par ses proches dont Akoi. Missa et son équipe longèrent la chaine de montagnes du Simandou jusqu’à la descente à Boola. Ils longèrent ensuite la rive gauche du fleuve Diani.

Ils trouvèrent un endroit propice pour s’établir au pied d’une montagne appelée Yono, et il y fonda un village auquel les gens donnèrent le nom de « Zowota », village de Zowo Missa (Zowo signifie maître de l’initiation).

Missa aurait été un maître du culte et de l’initiation. Il aurait ainsi été à l’origine de la première génération des initiés à Missadou avant sa séparation d’avec les autres. A Missadou, cet endroit garde encore son nom « Gbaghana », porte d’entrée du camp d’initiation. Aujourd’hui, c’est une localité à l’est de Beyla, dans la Sous-préfecture de Zaraguerela.

Nos investigations nous ont enseigné que le séjour prolongé des guerzés, Konianké, Manon, et Loma dans une cité commune appelée Missadou a permis à ces communautés de fonder leur vivre ensemble sur une alliance devenue un élément fondateur d’unité, de solidarité et de cohésion sociale.

Logiquement, s’il était connu de tous, que Koniaké, Guerzé, Manon et Loma font tous partie de cette maison commune de Missa, ils éprouveraient de la gêne à l’idée que leurs oppositions, affrontements et exclusions ne sont que les erreurs d’une génération qui a perdu les repères de ses origines. Il semble donc important que le vécu de ces communautés soit connu par les générations actuelles et à venir; ce pour atténuer des conflits aux origines historiques, économiques, sociales et culturelles que viennent exacerber les tensions et manipulations politiques ainsi que les défaillances et dysfonctionnements des structures administratives et judiciaires au niveau de la région. Dans cette optique, l’engagement individuel et collectif ainsi que la responsabilité de l’autorité administrative, judiciaire, religieuse et coutumière sont des prérequis fondamentaux.

Bonne cohabitation pour la prospérité de la Guinée forestière

Aimé Stephane Mansaré,
Expert consultant Sciences Sociales du Développement !

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