Je suis surpris de constater que certains chroniqueurs s’acharnent sur le Président de la Transition guinéenne dont le tort serait d’avoir clamé que la démocratie en cours sur le continent est imposé à l’Afrique. De facto, il relève l’incompatibilité de celle-ci avec notre sociologie.
Voici une vérité qui dérange des intellectuels africains qui ont passé toute leur vie à accompagner leurs camarades et à réciter les auteurs européens. Le comble est que les mêmes chroniqueurs sont fâchés parce que le Colonel de Conakry n’a pas fait une proposition de modèle. C’est l’incurable maladie des cadres, des universitaires et intellectuels africains. La paresse intellectuelle pour réfléchir en vue de trouver les remèdes aux maux qui minent l’Afrique noire. Ils sont habitués à toujours laisser les autres réfléchir à leurs places.
Regardez les textes juridiques et réglementaires qui régissent la gouvernance de nos pays.
Tout est copié sur les textes français et collé sur du papier à en-tête locale. Lorsque, dans sa Constitution, la France institue la durée du mandat à 7 ans ou 5 ans, ses anciennes colonies africaines modifient leurs constitutions pour s’y adapter. Si la Constitution française prévoit l’organisation de l’élection présidentielle dans un délai de 3 mois, en cas de décès du Président, les anciennes colonies de l’Afrique noire reproduisent inextenso la même disposition dans leurs constitutions.
Pourtant, elles savent que ce délai leur est financièrement, matériellement et techniquement insuffisant, au regard de leurs modiques moyens. Voyez-vous, les intellectuels africains laissent toujours les autres réfléchir à leurs places.
C’est pourquoi la France a conçu un modèle démocratique pour l’Afrique noire où on trouve des concepts érigés en institutions comme :
- Chef de file de l’opposition.
- CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante).
- Médiateur de la République.
Ces concepts existent-ils dans les autres démocraties ?
Au lieu de reprocher le manque de propositions de modèle démocratique au Colonel Doumbouya, les Chroniqueurs et les élites africains devraient se sentir interpellés par le sujet.Curieusement, il y a des élites africaines qui sont fâchées que les Africains parlent mal de la France, dans ses rapports avec ses anciennes colonies.
À la vérité, force est de reconnaître que la démocratie a fait plus de victimes en Afrique noire francophone que les dictatures des années 60, 70 et 80.
Les guerres civiles au Congo Brazzaville, en Côte d’Ivoire et en Centrafrique, les violences politiques au Mali, au Niger, au Togo, en Guinée, au Gabon, au Burkina faso, au Tchad et récemment au Sénégal, ont créé de profondes fissures, en plus des destructions massives des biens.
C’est autant de preuves que la démocratie importée de la Baule (France) est incompatible avec les mœurs et les réalités des sociétés africaines.
C’est stupide de dire que la démocratie est universelle et que les recettes sont toutes aussi universelles.
Les élites Nigerianes ont le mérite de réfléchir pour faire une touche à leur système démocratique : le duo de candidats Président et Vice-président d’un même parti politique ne doivent pas être ni de la même région ni de la même religion.
N’est-ce pas une innovation ?
Si le Nigeria était francophone, c’est Paris qui allait réfléchir et décidé de cette innovation à sa place.
Les africains doivent ouvrir leurs esprits pour voir et reconnaître l’échec du modèle démocratique en cours depuis les années 90.
C’est une démocratie pensée par la France et imposée à ses anciennes colonies bannières.
Sociologues, Juristes, universitaires et élites de tous bords, il est temps de commencer à réfléchir sur un modèle démocratique compatible avec l’Afrique noire.
C’est stupide de dire que la démocratie est universelle.
L’universalité de la démocratie réside dans le fond du concept.
Dans la forme, le modèle diffère d’un pays à l’autre. C’est pourquoi on parle de : - La démocratie. Modèle américain.
- La démocratie. Modèle allemand.
- La démocratie. Modèle anglais.
- La démocratie. Modèle israélien.
- La démocratie. Modèle suisse.
- La démocratie. Modèle indien.
- La démocratie. Modèle belge.
- La démocratie. Modèle français.
- La démocratie. Modèle italien.
Tous ces modèles sont conçus par les élites de ces pays, en fonction de leurs réalités culturelles, économiques et sociologiques.
Pourquoi des intellectuels africains continuent de penser que l’Afrique doit s’accrocher au modèle français qui a semé la terreur, entretenu la corruption et maintenu l’ordre néo-colonial ?
Pourquoi certains de nos chroniqueurs et de nos élites pensent que l’Afrique francophone doit continuer à copier et à coller le modèle du colonisateur ?
Je dis souvent que certains de nos intellectuels africains sont allés à l’école pour accompagner les autres et pour réciter fièrement et parfois naïvement les morceaux de textes des auteurs européens.
À la tribune des Nations unies, le Colonel Doumbouya et d’autres panafricanistes ont dit haut ce que l’Afrique consciente dit tous les jours.
Ce n’est pas à Doumbouya de réfléchir à la place des élites africaines.
Il a fait son devoir de dénoncer et d’interpeller à la face du monde.
Aux universitaires et aux politiques de réfléchir et de soumettre des esquisses de solutions à nos nos Etats, nos organisations sous-régionales et à l’Union africaine.
Il ne faudra surtout inviter ou associer aucun fameux expert non-africain à une telle démarche.
Nous avons assez étudié pour voir plus loin que nos nez épatés.
Oui à un modèle africain de démocratie qui soit à la croisée de l’universalité et de la singularité du continent noir.
Nous serons fiers de servir à l’humanité une DÉMOCRATIE – MODÈLE AFRICAIN.
Ce modèle sera la contribution de l’Afrique à la démocratie universelle.
