Editorial. Si le pape François entérine la recommandation d’une assemblée spéciale du synode des évêques pour l’Amazonie d’« ordonner prêtres des hommes mariés », ce sera une petite révolution.
Editorial du « Monde ». La tradition du célibat des prêtres de l’Eglise catholique, généralisée après la réforme grégorienne du XIe siècle, n’est plus intangible. A l’issue de trois semaines de débats à Rome, du 6 au 27 octobre, une assemblée spéciale du synode des évêques pour l’Amazonie a écorné ce qui était jusqu’alors un tabou.
Le paragraphe 111 du document final, adopté le 26 octobre avec 128 voix pour et 41 contre, propose d’« ordonner prêtres des hommes mariés idoines et reconnus par la communauté, qui ont un diaconat permanent fécond et reçoivent une formation adéquate au presbytérat, pouvant avoir une famille légalement constituée et stable ». Si, d’ici à la fin de l’année, le pape François, dans son exhortation apostolique postsynodale, entérine, comme c’est probable, cette recommandation, ce sera une petite révolution.
Certes, la nouveauté ne sera que partielle. Au sein de l’Eglise catholique, il existe déjà des prêtres mariés dans les Eglises de rite oriental (maronite, chaldéenne, melkite). Et, à la suite d’un « ordinariat » créé par le pape Benoît XVI en 2009, d’anciens ministres du culte anglican ont été ordonnés prêtres bien que mariés. Paradoxe : ils avaient rompu avec l’Eglise d’Angleterre parce que, appartenant à son aile conservatrice, ils s’étaient opposés à l’ordination de femmes évêques…
Le document du synode ne vise que les neuf pays d’Amérique du Sud proches de l’Amazonie – au premier chef le Brésil, où le président Jair Bolsonaro, évangéliste, est vent debout contre cette évolution –, où les distances sont grandes entre les communautés autochtones, et les moyens de circulation réduits. Il en résulte un manque criant de prêtres, un problème qui touche aussi d’autres régions du globe. La règle étant que « chaque synode concerne toujours l’Eglise universelle », on peut imaginer, et espérer, que les possibilités de dispense se multiplieront pour appeler au sacerdoce des hommes mariés.
Aucun progrès sur le diaconat
Au-delà de l’ordination de ces derniers, le synode a été marqué par un grand esprit d’ouverture, en premier lieu quant au respect des cultures indigènes, rejetant toute « évangélisation de type colonial ». Il a même proposé de « définir un péché écologique » vu « comme une action ou une omission contre Dieu, son prochain, la communauté et l’environnement ».
En revanche, il a fait preuve d’un excès de frilosité concernant la place des femmes, alors qu’en Amazonie elles suppléent souvent, dans la limite de leurs prérogatives, à l’absence de prêtres. Aucun progrès n’a été enregistré sur l’idée d’un diaconat permanent pour les femmes. La commission, instituée par François en 2016 et paralysée par les divisions, va juste être relancée.
L’ouverture d’une brèche sur le célibat des prêtres et la reconnaissance d’un rite amazonien – dans laquelle certains n’hésitent pas à voir une bienveillance papale pour « l’idolâtrie » – risquent d’attiser l’opposition des conservateurs qui ne manquent pas une occasion de s’en prendre à François. Une partie d’entre eux a dénoncé un synode « politique ».
L’évêque de Rome a répliqué à ces « petits groupes élitistes » : « Parce qu’ils n’ont pas le courage d’être d’un des partis de l’homme, ils croient qu’ils sont du parti de Dieu. Parce qu’ils ne sont pas de l’homme, ils croient qu’ils sont de Dieu. Parce qu’ils n’aiment personne, ils croient aimer Dieu. » Le message du souverain pontife argentin est clair : il ne déviera pas du chemin qu’il s’est tracé.
SOURCE : LEMONDE