Les Guinéens peuvent ne pas être de bonne foi , sont en droit de viser toujours plus haut, car la vie est exigence. Cependant, ils n’auraient pas raison de prendre le meilleur pour le pire, de se renier, de si tôt, en tombant dans le déni d’une amnésie consciente et intéressée. Un ingrat n’oublie pas, il refuse de se souvenir pour qu’il soit libre de tout engagement moral, de toute dette de toute nature envers les autres.
Le 5 septembre 2021, le jour à peine levé, la Guinée se retrouve dans d’autres mains, le Professeur Alpha Condé, forcé à prendre sa retraite. Le Colonel Mamadi Doumbouya et ses frères d’armes, ont décidé , en âme et conscience, d’engager leur vie ainsi que celle de leurs proches pour permettre à leur pays à la croisée des chemins de retrouver l’honneur perdu, la joie de vivre , de renouer aussi avec les espoirs et promesses de lendemains meilleurs.
La Guinée qui était comme enchaînée aux pieds et suspendue entre terre et ciel, a accueilli le Colonel Mamadi Doumbouya et ses compagnons, en héros et libérateurs, les Guinéens, se sont réjouis dans une grande ferveur populaire, que leurs prières aient été agréés par le Ciel, que leurs vœux soient enfin exaucés.
Dès lors, le 5 septembre, qui a été considéré par tous les Guinéens comme une journée de libération nationale et le début d’une nouvelle ère de toutes les espérances, mérite d’être rappelé et célébré, d’autant que c’est un des rares moment dans un parcours de division et de querelles fratricides, d’union nationale et de cohésion politique et sociale.
Certes, aujourd’hui, deux ans après, certains ont des frustrations personnelles, d’autres n’ont pas encore leurs comptes à eux, mais, personne ne peut dire, raisonnablement, que le pays n’a pas fait des avancées ni que les Guinéens ne sont pas mieux traités, impliqués davantage dans la gestion des affaires de la cité. Le pouvoir despotique des élites et des oligarchies notoires a vécu. Le Colonel Mamadi Doumbouya, enfant du peuple et soldat qui connaît la valeur du serment et ne peut renier le sacerdoce des missions difficiles, a réussi à inoculer dans l’administration la conscience du service public, à inculquer dans tous les esprits la gravité de servir, le danger de se servir. Il peut être contrarié ou ralenti dans sa volonté inébranlable de rompre avec les mauvaises pratiques, de solder l’héritage d’un passé ruineux, car une seule hirondelle ne fait pas le printemps, mais, aucun Guinéen ne doute de sa bonne foi, de son patriotisme et de sa détermination à rendre le Guinéen meilleur, à rétablir la Guinée, dans tous ses droits.
L’histoire qui se moque des émotions futiles, ne se soucie guère des cris d’orfraie, des gesticulations, ne retient que les faits, les actes posés, les œuvres charitables. Il y a une Guinée d’avant 5 septembre, il y en aura une autre dans le sillage du Colonel Mamadi Doumbouya. Ce qui est sûr et certain, quoi qu’on dise et fasse , plus rien ne sera comme avant dans une Guinée où le temps semblait figé ; l’espoir avait foutu le camp. C’est si récent qu’il est difficile de ne pas s’en souvenir, même si les Guinéens oublient toujours d’où ils viennent , chacun préoccupé par son sort personnel, tous, quasiment, tournés vers leurs seuls intérêts. Sinon chacun sait que la liberté ne se donne pas, requiert d’énormes risques jusqu’à parfois à l’ultime sacrifice. Le Colonel Mamadi Doumbouya, n’a pas hésité à « aller à la mort » comme il le rappelle à la mémoire collective, pour que ses compatriotes redeviennent libres et indépendants. Il fait du mieux qu’il peut au service de la Guinée et des Guinéens, face à des partenaires exigeants et au milieu de collaborateurs au comportement erratique et équivoque.
Combien sont les Guinéens qui peuvent rivaliser de courage avec lui, sont dans la logique du don de soi dont il a donné l’exemple le plus éloquent un matin d’un certain 5 septembre 2021, qui, à l’image des dates historiques est dans toutes les annales ?
Les luttes de libération, les grandes conquêtes dans l’histoire, les mouvements populaires comportent une part d’ombres et de mystères qui sont évoqués et rappelés , mais, n’ont jamais altéré l’éclat et la portée événementielle des révolutions bienfaisantes qui surviennent à toutes les époques. Le 14 juillet 1789 , date de la prise de la bastille dans la sueur et le sang, dans l’histoire de la France , est marquée d’une pierre blanche et commémorée dans le faste chaque 14 juillet de l’année, fête nationale de l’indépendance française.
Une célébration ne concerne pas que les vainqueurs et les héros, c’est pour aussi se rappeler des martyrs et de toutes les personnes , anonymes, auxquelles, la nation ne rend pas toujours hommage dans le temps qui presse, à cause de l’histoire si sélective qu’elle choisit ses élus, si chargée qu’il lui arrive de trier au volet les événements à retenir.
Le 5 septembre doit être célébré pour que personne dans un pays de courte mémoire et de négationnisme, ne confonde ses humeurs et rancœurs intimes avec l’exigence de l’histoire et la force de son témoignage implacable.
Mamadou Maouloud Souaré