Le débat sur l’affaire de rénovation de la résidence du 1er Ministre à 6 milliards de GNF.
Entre passion et raison, voici ce que le sujet m’inspire.
Je commence par rappeler que dans l’histoire de la Guinée, il n’y a pas eu de résidences de fonction de manière régulière. L’ancien Premier ministre Lansana Béavogui, recordman de longévité ministérielle en Afrique, a occupé la même modeste villa de 1959 à 1984. Les PM successifs n’ont jamais eu de résidence officielle. Même les Présidents des institutions républicaines n’ont pas eu ce privilège de Sékou Touré à Alpha Condé.
Comme le CNRD s’est inscrit dans la logique de la refondation, il lui serait conseillé d’instituer la construction et l’équipement des logements de fonction pour les principales personnalités qui incarnent l’Etat :
1) la résidence officielle du Premier ministre,
2) la résidence officielle du Président de l’Assemblée nationale, et
3) la résidence officielle du Premier Président de la Cour suprême.
Concernant L’affaire des 6 milliards, il y a des zones d’ombre qui suscitent des interrogations :
A) le fait que le dossier soit porté par le Premier ministre lui-même: De mon point de vue, la requête de paiement ne devait pas être faite par le PM. Ses conseillers devraient l’en dissuader.
Ce dossier devrait être porté par le Ministère de l’Habitat ou la direction du Patrimoine bâti public.
En cas d’extrême urgence, la requête aurait dû être faite par le Ministre Secrétaire général à la Présidence. Une grosse dépense est a priori suspecte dès lors que l’ordonnateur en est le bénéficiaire direct ou indirect. C’est pourquoi les Conseillers du PM auraient dû le faire suivre une demarche autrement.
B) l’ambiguïté entre rénovation, construction : L’insuffisance d’informations préalables (coût initial, acomptes payés, Avenants coûts supplémentaires,…) a donné toutes sortes d’interprétations et de spéculations préjudiables au bien-fondé de l’initiative à l’honneur du PM.
C) la précipitation et le gré à gré: La construction ou la rénovation de la résidence du PM était-elle aussi urgente ? La résidence privée du PM a-t-elle subi des dommages à la suite des dernières grandes pluies? Ces raisons seraient suffisantes pour solliciter l’urgence des travaux et la passation du marché par la formule du GRÉ À GRÉ. L’inobservation de ces démarches prudencielles a jeté un discrédit sur un projet qui est tout à fait normal dans son esprit. De ce qui précède et au regard de la volonté du CNRD de conférer la transparence à la gestion de l’argent public, le PM, ses Conseillers et ses collaborateurs devraient faire porter ce projet par le Département et le service en charge de la gestion des bâtiments de l’Etat. Les Conseillers de nos Ministres ne doivent pas avoir peur de conseiller et de dire la vérité à leurs patrons.
D) l’acharnement de certains journalistes sur le sujet et sur la personne du PM: Nos journalistes ont le mérite de nous informer sur des sujets d’intérêt national. C’est bien. Toutefois, certains journalistes profitent de leur profession et de la Loi qui les couvre, pour déverser leur haine et régler des comptes dans des termes discourtois, voire injurieux. Visiblement, ces journalistes semblent agir sur commande à des fins mercantilistes, politiques et même communautaristes.
Je n’ai pas pourtant entendu ces mêmes journalistes sur des dossiers comme :
– les 200 milliards de Nabayagate et les multiples cas de détournements sous le régime précédent,
– les 2 milliards pour le plateau de la RTG,
– le 1,8 milliard pour la salle de conférence d’un ministère,
– le projet de 80 milliards pour la construction d’une nouvelle TV de distraction et bien d’autres montants plus ou moins faramineux de ces derniers mois.
Au regard de la mission d’information et d’éducation qui incombe à la profession, il serait souhaitable que tous nos journalistes fassent preuve de professionnalisme dans la pondération. Un vrai journaliste n’est jamais habité par la haine.
En conclusion, je conseillerais au PM de se dessaisir de ce projet et le laisser porter par une structure plus compétente.
Une chose est claire. Il n’est pas en manque de logement.
Il est bien logé et peut être mieux logé à ses propres frais.
Le public a besoin d’être informé.
Il n’a pas besoin d’être intoxiqué.
Vivement les investigations à tous les niveaux, sans passion.
