De l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) à l’Union Africaine (UA), cette Institution depuis sa création en 1963 à Addis-Abeba (Ethiopie), peine encore a imposé la vraie démocratie dans les pays membres et à être indépendante ce, malgré l’installation de certains organes. Déjà 57 années d’existence, cette organisation aux yeux de certains leaders politiques, n’arrive toujours pas à se frayer le chemin dans la résolution des crises du continent noir. Son appréciation faite sur la gestion des chefs d’États qui se sont succédé, les résultats de ladite institution, la réalisation des attentes des peuples depuis sa mise en place, mais aussi ce qu’il faut afin d’aspirer à une alternance effective en Afrique, l’Honorable Me Pépé Koulémou, Président du parti Alliance pour le Renouveau National, dit tout dans cet entretien grand format.
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1963 – 2020, cela fait exactement 57 ans que l’Union Africaine fut créée. Vous êtes un leader politique, quelle lecture globale que vous faites de l’Institution?
Honorable Me Pépé Koulémou: Sous l’égide de l’empereur Haïlé Sélassié, à la date du 25 mai 1963, l’OUA a été créée et qui avait pour mission fondamentale de regrouper tous les États Africains à l’époque, qui, accédaient bien-sûr à l’indépendance. Alors il fallait créer l’unité entre tous ces États et j’avoue que l’OUA a joué sa partition en faisant ce qu’elle devrait faire en tant que l’Union Africaine. Alors après les initiateurs, les nouveaux qui sont venus ont procédé à une autre dénomination. Au lieu que ça soit désormais organisation de l’unité africaine, c’est devenue tout simplement, l’Union Africaine (UA). De nos jours, tous les États Africains sont en difficultés notamment celles liées à la démocratisation, puisqu’il y a un malentendu sérieux que ces États n’arrivent pas à maîtriser. Cela fait que les chefs d’États Africains ne se comprennent pratiquement pas sur la terminologie de l’État de Droit et de la démocratie, d’où certains pensent que cette démocratie doit être à l’Africaine. C’est-à-dire lorsqu’un Président est élu, il doit être là jusqu’à la fin de sa vie sur terre, chose qui est très dangereuse. Pourtant, nous ne sommes plus à l’époque des empires ni royaumes mais plutôt celle du changement et de l’aspiration vers la démocratisation des États du monde. Alors la présidence de l’Union Africaine étant tournante, lorsqu’un Président est là pour un an, il vient avec sa politique et celui qui le succède aussi arrivera avec une autre vision. Ce qui crée sans nul doute les difficultés à l’organisation.
Que peut-on retenir de la gestion des chefs d’États qui se sont succédé à la tête de l’UA?
Honorable Me Pépé Koulémou: De toutes les façons, chacun des Présidents a joué un rôle important. Sauf qu’il n’y a très souvent pas de pérennisation des initiatives entreprises par les prédécesseurs. Lorsqu’un Président est là, il mène la politique qu’il est en train d’exercer par rapport au progrès pour le renforcement de l’unité d’action des États d’Afrique. Mais dès que ce dernier quitte, celui-là qui vient, arrive avec sa politique, au lieu de pérenniser celle qu’il a trouvé en place. Cela fait que l’organisation patine sérieusement avec cette tournante de la présidence. Mais le tout, est de faire maintenir les Présidences à vie dans les États membres, chose qui compromet très malheureusement la démocratie au sein de l’organisation d’une part, mais aussi au niveau des États d’’autre part.
Particulièrement, qu’elles ont été vos leçons tirées de la gestion du Président Alpha Condé à un moment donné ?
Honorable Me Pépé Koulémou : D’abord, le Président Alpha Condé, a dirigé l’Union Africaine certes cela a été une réalité, mais les Guinéens, notamment les partisans du RPG arc-en-ciel, ont pensé que c’était une élection en tant que telle et qu’il est le Président de toute l’Afrique. Vous aviez vu les commentaires. Mais je vous dis tout simplement que les gens n’avaient rien compris, en oubliant que la présidence au niveau de cette institution était tournante. D’autres sont allés jusqu’à penser que celui-là qui était à la tête en ce moment était meilleur plus que les autres, alors que ce n’était même pas le cas. Mais je précise que c’est une présidence tournante, suivant les accords, les traités et de tous les textes qui gouvernent cette organisation Africaine.
Alors pour parler de la gestion pendant son temps, il faut rappeler qu’il avait proposé qu’une juridiction soit créée au niveau de l’Union Africaine. Qu’au lieu que les Africains ou tout au moins les Présidents ne soient traduits par devant la CPI désormais, qu’ils soient jugés par rapport aux crimes commis contre l’humanité. Mais on s’est rendu compte que la plupart des Africains ont compris que c’était une façon de faire échapper à certains Chefs d’États Africains qui ont quelques peu des attitudes contraires à la démocratie, à ne pas faire face à cette juridiction d’une renommée internationale. On s’est donc rendu compte que si la proposition du Président Alpha Condé était entérinée concernant la création de cette Cour Pénale Internationale à l’image des États Africains, c’était pour pouvoir faire échapper tout contrevenant aux textes de lois. Parce qu’on a vu, très généralement dans les États Africains, les juridictions sont soumises à l’autorité de l’exécutif, et du coup elles ne sont pas indépendantes parce que tout simplement, ce sont les Chefs d’États des différentes Républiques qui nomment les présidents de ces grandes juridictions du pays. Alors chacun voulant se maintenir dans son fauteuil de juge, d’une cour d’appel ou d’un tribunal, est obligé quelques fois de recevoir les ordres de l’autorité qui l’a nommé et de se soumettre. En résumé, le passage du Président Alpha Condé à la tête de l’Union Africaine n’a pas donné beaucoup de choses. En tout cas, moi je n’ai pas vu.
Alors on a tendance à comprendre que, lorsqu’il y a des problèmes en Afrique, ce sont plutôt les institutions dites internationales qui s’impliquent dans le cadre de la résolution. Votre lecture de cette réalité?
Honorable Me Pépé Koulémou : à mon avis, l’Union Africaine est pauvre. Pauvre, parce qu’elle n’arrive pas à financer les projets dans les États Africains, ni à les subventionner. Il y a des États membres qui ne payent même pas leur cotisation. Alors qu’ailleurs, quand vous prenez l’exemple sur l’Union Européenne, les États membres payent leur contribution et lorsqu’un des États membres est en difficulté, les autres se mobilisent tout de suite pour le faire tirer d’affaire. On a vu les cas de l’Espagne et de l’Italie. Lorsque qu’ils ont compris que l’économie de ces États était à un niveau très bas, ils ont pu participer à rehausser celle (économie) de tous ceux-là qui avaient tendance à revenir à la case de départ pour le décollage économique. C’est ce qui manque à l’Afrique, où la plupart des États sont financés par l’Europe. Sinon, les pays comme la Guinée, la Côte d’Ivoire par exemple, si nos ressources sont bien gérées, on a non seulement pas a envié à l’occident, mais aussi à l’une de son organisation.
Mais très malheureusement, on est dans l’obligation de leur tendre la main parce tout simplement nous ne sommes pas en mesure de bien gérer nos savoirs mais aussi nos ressources naturelles de manière à permettre le décollage de l’Afrique. Et puisque l’Union Africaine n’est pas en mesure de subventionner et d’harmoniser l’économie de ses États membres, se trouve très souvent en difficulté de tendre la main à l’occident et d’autres organisations. Cependant, l’UA devrait être un poids qui puisse exister de par les organes installés et des organismes intégrés pour que ça soit une puissance, pouvant permettre de régler la situation dans les États Africains. Mais imaginez, lorsqu’un Président s’accroche au pouvoir, dans son pays la loi a prévu par exemple un mandat renouvelable une seule fois.
Mais dans la plupart des ces États, on dirait que ce sont des empires. Des mêmes Présidents se soutiennent, tout en changeant la Constitution de leurs pays pour se maintenir au pouvoir. C’est pourquoi le cas Guinéen est illustratif avec les élections passées. Au demeurant, ce sont des élections législatives qui étaient prévues. Mais lorsque le Président a voulu changé la loi en sa faveur, il a non seulement poussé la date, mais provoqué également un cumul électoral, les législatives et le référendum. C’est pourquoi dans ces genres d’États, on est quelque fois obligé de demander l’appui des grandes puissances ou de l’Union Européenne par exemple, qui au retour, utilisent un autre moyen sur les Présidents en vu de respecter au moins la loi ou les principes de la démocratie.
Au regard de toutes ces réalités, pouvons-nous dire que l’Union Africaine est en train de répondre aux attentes des peuples Africains ?
Honorable Me Pépé Koulémou : véritablement, nous avons la force de le dire sans risque de se tromper que l’UA a œuvré au départ en contribuant à l’indépendance des États Africains qui étaient sous domination occidentale. Mais chemin faisant, elle s’est confrontée à de sérieuses difficultés provoquées par les initiateurs de cette même institution qui ont été un frein à la démocratisation de l’Afrique. Quand vous prenez l’exemple de Sékou Touré, il n’avait pas été élu comme Président, mais à l’issu d’un référendum et comme il était le plus influent, il s’est imposé et il a finalement fini par l’être, car, c’est lui qui a pu dire non à la métropole.
Aujourd’hui, la cacophonie est totale parce que chacun des Présidents Africains, quoi que nous soyons au 21ème siècle croyez-moi, font semblant d’être opposants, mais dès qu’ils sont élus, font pire que leurs prédécesseurs. Le Président Guinéen a fait par exemple 40 années de combat dit-il, mais aujourd’hui on ne le reconnait plus. Celui-là qui s’est battu pour l’intérêt du peuple selon lui, est opposé à la démocratie, à ne pas laisser le pouvoir à la fin de son mandat constitutionnel. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, concernant les pays d’Afrique où les Présidents sont devenus le problème.
Aujourd’hui, l’honorable Me. Pépé Koulémou à la tête de l’UA , quelles seraient vos démarches pour changer la donne?
Honorable Me Pépé Koulémou : j’exigerais aux autres Chefs d’États membres de respecter la démocratie pour que l’alternance soit désormais la règle dans les États Africains. Lorsqu’un Président est élu pour cinq (5) ans renouvelable une seule fois, au bout du premier mandat, lorsqu’il n’a pas pu réaliser ce qu’il devait faire, le peuple peut lui donner une seconde chance pour un second et dernier mandat.
Alors pendant 10 ans, ce que vous n’avez pas pu, vous ne pourrez pas le faire au delà de 10 ans. Mais lorsqu’un Président est élu, comme le cas Guinéen, c’est l’ethno stratégie. En nommant les gens dans les différents postes, il pense que le choix des cadres doit venir au sein du parti qui l’a nommé. Dans ce cas, où est l’unité nationale, où est l’intérêt du peuple? On reconnaît qu’il y a les postes qui doivent être gérés par les cadres du parti mais, il y a n’a d’autres par le peuple car, le pourvoir qu’exerce un Président, appartient au peuple.
En plus, si je l’étais, je conseillerais avec une exigence particulière, à tous les États membres de l’Union Africaine, d’accepter l’alternance comme un principe. Et un tel traité, devrait être élaboré et ratifié par tous ces États. Mais dommage, ce genre de traité n’existe pas car, ces chefs d’États sont tous complices et chacun veut changer la loi qui a permis son élection pour se maintenir au pouvoir.
Honorable Me. Pépé Koulémou, merci !
Honorable Me Pépé Koulémou: merci à vous M. le journaliste !
Interview réalisée par Robert Mellano, correspondant de lolaplus.org à Conakry